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d’autres choses, moins demandées à l’étranger, mais moins chargées de droits à Tintérieur. L’établissement forcé de manufactures du genre de produits favorisés par l’État empêche la fondation d’autres manufactures qui se tireraient d’affaire elles-mêmes. Le gouvernement suscite des manufactures pour produire des objets de luxe qui autrement auraient été importés, et ces manufactures font de pauvres affaires. Il en résulte un appauvrissement général. Si le système réussissait, toutes les nations produiraient toutes la même chose et s’appauvriraient toutes. Il y a des cas où il est bon de prohiber les marchandises étrangères, mais il faut alors s’attendre à des représailles ou à une politique analogue chez les autres. Quand le commerce est arrêté ou entravé, on arrive vite à une surproduction, à des mouvements excessifs de hausse et de baisse dans les prix, au déclin des arts mécaniques, à la concentration de l’argent dans quelques mains, à l’accroissement de la misère. Les querelles d’intérêt qui s’élèvent par suite entre les nations sont autant de preuves de la décadence du commerce, décadence qui a son origine dans les fausses mesures prises pour le développer au moyen de la destruction du commerce des autres. Il seproduit alors des ouvrages sur le commerce et les auteurs suggèrent de nouveaux plans d’encouragements. L’homme d’État se retourne, s’il se défie des auteurs, du côté des traités de commerce, ou bien il s’imagine qu’il peut étendre le commerce de son pays et porter un coup au commerce de ses rivaux par la conquête d’une province ou par l’acquisition d’une colonie. Aussi les traités de commerce sont-ils pleins de chausses-trapes et de pièges pour les rivaux et ont-ils simplement pour effet de restreindre la liberté de toutes nations à disposer de leur surplus. De là, des guerres et une condition précaire pour tout commerce. Toutes les mesures pour aider le commerce l’ont donc ruiné et ont porté préjudice à l’industrie des États. Il seraitutile pour le commerce que la circulation de toutes les marchandises dans tous les pays fût absolument libre. Il dénonce enfin « la raison d’État susceptible de tant et de si équivoques interprétations ».

Paoletti, écrivant" sur les lois sur les blés (1772), se prononce pour la liberté absolue. « Les pestes, les guerres, les massacres, les proscriptions, quel que soit le lieu où ces tragédies se soient passées, n’ont jamais fait autant de mal à l’humanité que la politique arbitraire de la prohibition du commerce des blés. » Il critique sévèrement Colbert. Filangieri (1780) s’élève contre tes taxes restrictives du commerce et « la divinité qu’on appelle l’intérêt public». 11 combat les sentiments de jalousie commerciale et les injustices, les guerres et les dissensions qui en sont la suite. Les intérêts des nations sont universelles. « Réunissez vos intérêts et vos avantages à ceux des autres nations. » Il faudrait établir une liberté générale de l’industrie, sans traités.

Mengotti (-1791) déclare que les taxes de Colbert ont divisé les nations et les ont rendues barbares, et qu’elles ont produit le même effet pour séparer les peuples que les mers et les montagnes, etc. La libre concurrence seule peut concilier les intérêts. Il expose, en la qualifiant durement, l’erreur de ceux qui croient qu’il y a un bénéfice évident à exporter des marchandises fabriquées plutôt que des matières premières et que le bénéfice d’une exportation à l’autre est égal à la différence de valeur des marchandises fabriquées aux matières premières. Il montre que les industries se sont créées spontanément quand l’état de la population et la situation des capitaux ont eu atteint un développement suffisant pour en assurer la productivité, et il déclare que la prétention de Colbert de restreindre l’exportation des matières premières était chimérique et puérile et que les Italiens, ayant réussi dans l’élevage des vers à soie, ont écrasé cette industrie pour avoir essayé de créer des fabriques. Scrofani (1791) déclare que la liberté du commerce des blés doit être sans tache ni souillure. Cantalupo défend aussi la même opinion.

Les doctrines du cobdenisme ont été défendues par les écrivains dont les noms suivent. Decker dit : « Faites disparaître les droits que vous avez établis et vous battrez les étrangers qui gardent les leurs. » Il est absolument opposé aux tarifs de représailles. L’auteur d’un Mémoire publié dans la collection Overstone, sous le titre de Principes du commerce, recommande aux États américains qui venaient de conquérir leur indépendance une politique de pur cobdenisme. Mercier soutient qu’une nation doit se conformera « l’ordre naturel » et rendre son commerce aussi libre que possible, quoique fassent les autres. C’est la bonne politique. « Il est évident qu’une nation peut l’adopter pour elle, indépendamment des autres nations. »

Le Trosne a écrit un chapitre sur cette thèse : « Des effets de la liberté indéfinie pour la nation qui l’établirait la première chez elle, indépendamment de la conduite des autres. »

Gondorcet blâme, avec grande raison, la po-