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rêts des villes et de la campagne étaient encore une fois en conflit. La grande cité marchande et les whigs était opposés à la ratification du traité. Le traité défaisait toute l’œuvre de Colbert et revenait en arrière au statu quo de 1664. Les marchands avaient trouvé beaucoup à redire à toute lalégislation française depuis cette époque, mais ils ne voulaient pas qu’on en consacrât l’abolition. Ils ne donnaient pas d’autre raison à leur opposition, si ce n’est que la liberté du commerce se résoudrait en une balance défavorable à l’Angleterre. Comme le dit de Foe, ils refusaient de s’engager dans des affaires qui pouvaient se résoudre en une balance défavorable. Leur véritable motif c’est qu’ils ne voulaient pas qu’on fît de paix du tout. Ils étaient furieux que la guerre cessât avant que la dynastie des Bourbons eût été chassée d’Espagne, redoutant que l’Espagne ne continuât à faire des faveurs à la France, avant que les Français eussent été chassés de Terre-Neuve et jusqu’à ce que la Jamaïque leur eût été assurée par la conquête d’Hispaniola. Ils parvinrent à empêcher la ratification des clauses commerciales du traité et à mettre les ministres en accusation pour l’avoir conclu. Macpherson les en loue ; il accepte comme bons les arguments des whigs, mais il admet que les relations des deux pays sont restées mauvaises pendant tout le siècle. Les mercantilistes étaient toujours prêts à faire la guerre. (Filon.) La guerre leur offrait la chance’ d’affaiblir leurs rivaux et de conquérir des colonies. Ils ne s’arrêtaient pas à l’accroissement de la dette et l’augmentation des impôts. Les ministres qui cherchaient à éviter la guerre et à faire des économies n’étaient pas populaires auprès d’eux. Tant qu’ils avaient des rivaux et que ces rivaux possédaient encore quelque chose, il leur paraissait impossible de se reposer.

Le système colonial auquel les mercantilistes ont donné le plus grand développement est celui dans lequel les colonies sont subordonnées à la poursuite, par la mère patrie, d’une politique conforme à sa doctrine commerciale. Les colonies doivent fournir à la métropole des matières premières qui autrement seraient achetées cher des étrangers, ce qui aurait pour conséquence de contribuer à la prospérité d’un rival ou de drainer l’argent. Elles doivent constituer un marché sur lequel les produits fabriqués de la métropole puissent être vendus sans être arrêtés par les barrières que tous les étrangers, tous naturellement mercantilistes, élèvent pour protéger leurs propres marchés. Les colonies devaient aussi fournir les articles sur lesquels il y avait de la demande à l’étranger, afin que la mère patrie les pût réexporter, améliorant parla sa balance. Une balance défavorable avec les colonies ne faisait pas de mal, parce que «c’est, dit Wood, affaire entre nous et iln’en résulte pas cette balance défavorable du commerce avec l’étranger, qui a pour conséquence directe l’exportation de l’argent ». Gee peut être regardé comme le chef de cette école d’écrivains sur les colonies. « Ce serait, dit-il, une triste politique que celle qui laisserait les colons naître et grandir pour être plus tard les rivaux de la mère patrie ». Il désire qu’on force les colons à envoyer en Angleterre le produit de leurs exportations à l’étranger, pour acheter avec ce produit des marchandises anglaises, étant entendu qu’il leur serait interdit de prendre des cargaisons de retour ailleurs qu’en Anleterre. On peut juger par là de l’opinion populaire des marchands d’Angleterre sur les colonies. Ils pensaient que les déshérités de la société s’en allaient en Amérique pour y vivre dans l’abondance et la commodité, au lieu de rester misérables en Angleterre. Ils avaient un sentiment de bienveillance pour les gens de cette espèce et étaient satisfaits qu’ils vécussent agréablement, mais il leur semblait que ces gens-là avaient le devoir de se déclarer contents et heureux. Les Anglais n’avaient pas l’idée qu’on pût tenir compte des colons dans les décisions à prendre par l’Angleterre à l’égard de ses possessions transatlantiques ; tout comme un grand propriétaire n’a pas besoin de consulter des bohémiens campés par permission sur ses terres, pour prendre des partis sur l’administration de ses biens. Les Américains ont beaucoup lu les livres de Gee, mais ils n’acceptaientp as le rôle qu’on voulait leur faire j ouer. Le système colonial des mercantilistes a fourni l’exemple le plus extraordinaire de la confusion à laquelle une philosophie humaine puisse arriver. Les marchandises qu’on appelait les produits coloniaux devaient être achetées hors d’Europe et dans une largo mesure être payées en espèces. Dans ce cas on aurait la plupart du temps aidé à la prospérité d’un rival, ce qui aurait fait en conséquence courir le danger le plus grave d’échanger à perte. La solution de la difficulté était de s’approprier la colonie et de la soumettre à la même direction publique que la métropole. Son commerce devenait alors un trafic domestique et « on y gagnait des deux côtés », comme le disait Catherine de Russie dans son Exposé, qui est un des meilleurs qu’on ait faits du mercantilisme. (Ekonomitcheskt Djournal, mai-juin 1889.)

Toutefois, selon Mun et la plupart des écri-