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sujet des recherches au comité de l’agricul ture : mais elles étaient restées imparfaites. Lavoisier voulut rectifier et compléter le travail do son ami ; il s’y reprit vingt fois sans pouvoir aboutir. « C’est le sort des ouvrages de longue haleine, a-t-il dit avec une expression de regret, ils ne sont jamais achevés ». Le comité de l’imposition ayant besoin cependant de bases sérieuses pour la réforme des impôts, pressa Lavoisier de lui donner des chiffres. C’est pour répondre à ces sollicitations que fut écrite la Richesse territoriale, sorte de résumé d’un ouvrage plus considérable que projetait Fauteur et qui ne fut jamais achevé. Malgré la sagacité exceptionnelle de Lavoisier, on ne saurait accepter les indications qu’il donne dans cet opuscule qu’avec réserves ; ses chiffres ne sont établis que par aperçu ; les meilleurs ne sont donc que plausibles.

Lavoisier prit une certaine part aux événements de la Révolution : il fut membre de la Commune de Paris ; il entra aussi à la Société de 1789, que les plus sages et les plus libéraux des constituants fondèrent pour balancer l’influence des jacobins et suivit régulièrement les séances de cette société pour laquelle il écrivit, sous le titre de Réflexions sur les assignats et sur le remboursement de ta dette exigible^ un éloquent plaidoyer contre la folie du papier-monnaie. En 1791, il fut choisi comme l’un des membres de la Trésorerie nationale ; enfin, à la veille du 10 Août, le ministère des contributions publiques lui fut offert ; il refusa ces fonctions qui l’auraient complètement arraché à ses travaux scientifiques sans lui fournir les moyens de sauver la monarchie ; il exprima ses regrets au roi dans une lettre touchante qui nous a été conservée.

Déjà, à cette époque, les accusations les plus absurdes étaient dirigées contre lui. Quelques années auparavant, il avait proposé d’entourer Paris d’une enceinte pour assurer la recette des octrois ; on s’était contenté d’abord d’en plaisanter : Le mur murant Paris rend Paris murmurant. Mais des dépenses exagérées avaient été faites par les architectes chargés de l’opération ; au lieu d’un simple mur de clôture, le public avait vu s’élever une sorte de fortification et avait rendu Lavoisier responsable des fautes commises. L’illustre savant avait d’ailleurs été administrateur de la caisse d’escompte ; c’en était assez pour qu’il passât pour agioteur. Il avait été administrateur de la régie des poudres ; il avait donc aidé à fusiller le peuple, Il avait été enfin fermier

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général ; n’était-il pas certain qu’il avait commis des exactions et des concussions de toute espèce et qu’il avait mêlé au tabac qu’il vendait de l’eau et des ingrédients nuisibles à la santé ? En temps de révolution, tout trouve créance auprès de la populace. C’est le 8 mai 1794 que périt sur l’échafaud, dans toute la force de ïège, un des plus grands génies dont s’honore notre pays. Ii faut lire sur la vie et sur les derniers jours de Lavoisier la belle étude de M. Grimaux (Alcan, 1888). Quanta ses écrits économiques, on les trouvera insérés dans un volume qui est actuellement en préparation par les soins du même auteur et qui formera le tome V des œuvres du chimiste. G. SCHELLE.

LAW (Jean). — Célèbre financier, né en 1671, mort en 1729.

Si les opérations financières de Jean Law n’avaient présenté qu’une suite d’expédients imaginés au jour le jour pour liquider une situation embarrassée, elles ne mériteraient pas d’avoir une place dans un livre scientifique. L’histoire nous fournit assez d’exemples de moyens et d’abus analogues à ceux qui se sont produits en France au commencement du siècle passé. Mais les opérations de Law se distinguent à plus d’un titre des expédients vulgaires. 1° Elles ont été entreprises en application d’une théorie préconçue et leur ensemble forme un’ système ; 2° elles ont été le signal d’une révolution dans les mœurs et les habitudes des Français ; 3° elles présentent un grand et magnifique exemple des combinaisons et des effets de l’agiotage. A ce triple titre, elles sont dignes au plus degré des méditations de l’économiste, et il est utile de les exposer avec quelques développements.

Louis XIV laissait en mourant les finances de la France dans le plus déplorable état. La dette immédiatement exigible sous mille formes diverses s’élevait à la somme de 785 millions de livres : 64 millions de rentes viagères, perpétuelles ou remboursables à terme fixe, et constituées sur toutes les branches de revenus, représentaient un capital de 460 millions ; enfin, les créations d’offices, augmentations de gages, etc., avaient endetté l’État de 800 millions environ. La dette publique s’élevait ainsi en capital à 2 milliards environ de livres, dont 78o millions immédiatement exigibles, « Au moment où le roi mourut, dit Bailly 1 , il n’y avait à espérer sur les trois derniers-mois de l’année que 4 à 5 millions ; les revenus des i. Histoire financière de France, t. II,