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ces analyses pénétrantes dont 1 auteur a su, du reste, rendre la sécheresse presque attrayante, grâce à l’élégante correction du style et à la sobriété des développements. Nous ne pouvons que signaler ici les chapitres plus particulièrement remarquables ; ce sont ceux qui ont pour titre : Le produit brut de Vagriculture anglaise. — Les rentes, les profits, les salaires. — La constitution de la propriété et de la culture. — La me rurale. — Les débouchés.

L’ouvrage sur le mérite duquel nous venons d’insister plus particulièrement eut un succès considérable : il ouvrit en outre à son auteur les portes de l’Institut. En 1855, Léonce de Laver gne fut élu à l’Académie des sciences morales et politiques. Il faisait déjà partie de la Société nationale d’agriculture. On peut dire qu’une voie nouvelle était ouverte à son activité et à son talent ; il n’hésita pas à s’y engager. En 1860, V Essai sur l ’économie rurale de l’Angleterre est complété par un ouvrage d’une grande valeur : l’Economie rurale de la France. L’auteur s’était proposé de rechercher les effets de la révolution de 1789 sur la situation de l’agriculture française.

Soit dans le corps même de l’ouvrage, soit dans la préface et ia conclusion qui constitueraient à elles seules des études d’un haut intérêt, M. de Lavergne passe en revue les questions si diverses qui étaient discutées avec ardeur au xvm e siècle et qui le sont encore aujourd’hui. Division de la propriété et de la culture, amélioration des voies de communication, mouvement de la population et émigration des campagnes vers les villes, progrès accomplis dans la production agricole, extension des débouchés, développement et répartition des dépenses publiques, etc., l’auteur étudie toutes ces matières et indique la solution des problèmes qui s’y rattachent. Les qualités du style, la clarté, la méthode, l’impartialité et la rectitude des jugements, assurentpour longtemps la réputation méritée de cette œuvre. On trouvera ailleurs, dans le volume intitulé l’Agriculture et la population, quelques études détachées sur des questions d’actualité, comme les mouvements de la population dans ses rapports avec les dépenses publiques, le régime douanier de la France, l’échelle mobile, etc.

Signalons encore un volume sur les économistes du xvm e siècle, dans lequel l’auteur montre notamment, en étudiant les œuvres de Quesnay, que les fondateurs de l’économie politique se sont occupés les premiers d’économie rurale. Enfin on doit encore à Léonce de Lavergne un ouvrage sur les assemblées provinciales au xvin" siècle et une foule d’articles publiés dans la. Revue des Deux Mondes et dans le Journal des économistes.

Élu député de la Creuse en 1871, il prit part aux discussions relatives à l’établissement d’un impôt sur le revenu et contribua à faire rejeter une taxe sur les profits agricoles ou les revenus des propriétaires. Lors de la création de l’Institut agronomique, en 1876, Léonce de Lavergne fut nommé professeur d’économie rurale ; mais la maladie l’empêcha de refaire, à vingt-cinq ans de distance, les leçons qui avaient tant contribué à assurer sa réputation et à diriger son talent dans une voie féconde.

Quelque temps avant sa mort il disait à l’un de ses nombreux amis : « Si mon souvenir demeure après ma mort, ce sera peut-être à mes écrits sur les choses rurales que je le devrai. » Cette prédiction s’est réalisée ; Léonce de Lavergne a laissé sur l’économie rurale des œuvres qui suffisent à perpétuer sa mémoire. C’est à tort, croyons-nous, qu’on l’a, dans ces derniers temps, considéré comme rallié à la doctrine protectionniste. Il pensait, avec raison, que les droits de douane peuvent procurer au Trésor public des ressources précieuses, mais jamais il ne les a considérés comme des instruments de protection. On trouverait dans ses œuvres bien des passages où il affirme non seulement les dangers mais encore l’inefficacité de la protection en matière agricole. Ses opinions sont du reste exposées avec une parfaite netteté dans les lignes suivantes, que nous empruntons à son ouvrage sur V Agriculture et la population : « Un jour viendra où il en sera du système protecteur comme des autres erreurs économiques que le temps a ruinées. Nos neveux auront peine à comprendre qu’on ait jamais pu espérer de favoriser le travail en lui créant des entraves et en l’empêchant de vendre et d’acheter suivant ses convenances ».

D. ZOLLA.

Bibliographie

Les principaux ouvrages de M. de Lavergne sont : Dictionnaire encyclopédique usuel, publié sous le nom de Charles Saint-Laurent, în-8 , i84t. — Essai sur l’économie rurale de l’Angleterre et de l’Ecosse, in-8*, 1854. — L’Économie rurale de la France, in-8«, 1860.— L’Agriculture et la population. — Les Économistes du XVIII e siècle.

— Les Assemblées provinciales sous Louis XVI. LAVOISIER (Antoine-Laurent), le fondateur de la chimie moderne, l’illustre victime de la Terreur, ne saurait être oublié dans un Dictionnaire d’économie politique. Sans avoir jamais abordé les problèmes économiques en théoricien, il a laissé des écrits de finance