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une ou deux exceptions, les finances sont plus ou moins obérées, comme dans certains États d’Amérique, en Autriche, en Espagne, en Hollande, en Italie, en Portugal, en Prusse et à Hambourg. La loterie prussienne rapporte annuellement environ 8 millions de marks de produit net ; celle d’Autriche, de 12 à 15 millions de francs ; celle d’Italie, de 27 à 30 millions. La France, elle, n’a plus ni loterie officielle à supprimer, ni loteries clandestines à combattre.

Seules restent les loteries d’art et de bienfaisance, et aussi une loterie d’une certaine espèce qui s’appelle l’institution des valeurs à lots.

C’est une question de savoir ce que sont exactement ces valeurs à lots. En décomposant le mécanisme ingénieux sur lequel repose l’opération d’émission de ces valeurs, on rencontre deux forces qu’on a très heureusement fait intervenir : celle du hasard et celle de l’intérêt. Une société, par exemple, contracte un emprunt. Au lieu de s’engager à servir un intérêt de 4 p. 100, elle propose à ses obligataires 3 p. 100 et, avec l’économie réalisée, elle capitalise une quotité à remettre à telles et telles époques sous forme de lots aux détenteurs de titres favorisés parle sort. On voit que l’élément hasard n’est ici qu’un accessoire. Malgré cette limitation, l’opération est absolument contraire au vœu de la loi. «Peu importe, lisons-nous dans YEaoposé des motifs de la loi de 1836, que la spéculation offerte au public soit principale ou accessoire ; toutes les fois qu’elle choisit le sort pour instrument, elle rentre dans la prohibition de la loi ». Si l’on objecte que ,ce genre de loterie n’est pas celui qu’a prévu et interdit la loi et qu’il est moins dangereux, s’adressant, par l’importance du prix du billet, à un public relativement aisé, la pratique fournit la réponse à l’objection : « La valeur est souvent divisée on coupures donnant droit à une partie proportionnelle des intérêts aussi bien que des chances des lois. Ces coupures sont d’un prix minime et accessibles à toutes les bourses. Le travailleur, qui vit au jour le jour, peut y risquer son épargne ; la loterie est ressuscitée ! » Il y a plus : les tribunaux, qui ont eu à exercer leur vigilance sur les questions de validité des négociations à tempérament de valeurs à lots, ont rendu, pendant nombre d’années, quantité de décisions en sens divers dont la grande majorité cependant, qui a pour elle l’autorité de la cour de cassation, a toujours ^té en faveur du caractère licite de ces sortes de négociation. Si cette doctrine juridique est exacte, l’argument en faveur de la valeur à lots tiré du prix relativement élevé du billet se trouve, par cette deuxième raison, singulièrement battu en brèche.

Nous avons vu la valeur à lots créée et mise en mouvement à l’aide de la combinaison de deux forces : le hasard et l’intérêt ; c’est 1 ! ’obligation à lots. Pour certaines valeurs à lots l’élément : intérêt, rémunérateur d’un capital prêté, est tellement effacé que l’on peut dire qu’il disparaît presque et que ces valeurs ne sont que des billets de loterie ; nous voulons parler des Bons à lots. Un établissement, au lieu de proposer à ses prêteurs de leur servir un intérêt fixe et d’attribuer des lots à ceux que le sort aura favorisés, leur offre seulement de rembourser, conformément aux conditions établies dans un tableau d’amortissement, les sommes à lui prêtées augmentées d’une prime minimum pour une quantité déterminée de titres, d’un lot plus ou moins important pour telle quantité d’autres. Il ne sera pas servi d’intérêt aux titres, telle est la caractéristique du Bon à lot. Il est, pour ainsi dire, impossible de qualifier ces bons : valeur d’épargne. C’est en vain que l’on objecte que la prime minimum représente l’accumulation des intérêts non payés. En admettant que cela fût exact, l’on ne saurait approuver — en se plaçant au point de vue économique — ce système de rémunération du capital ; d’ailleurs l’objection pèche par l’exactitude et le prétendu intérêt accumulé est insignifiant. En effet, si l’on offre au public des bons de 100 francs remboursables au minimum à 200 francs dans un délai maximum de soixante-quinze ans et dans une époque moyenne de soixante-huit ans cette prime de 100 pour 100, qui paraît très avantageuse pour soixante-huit ans et même pour soixante-quinze ans, est loin de correspondre à l’intérêt à 3 p. 100 du capital pendant l’une de ces périodes, et encore moins à la somme produite par la capitalisation des intérêts. Une somme de 100 francs placée à intérêts composés de 3 p. 100 est doublée en vingt-quatre ans (le produit exact est 203 fr ,27Ôl) ; au bout de soixante-huit ans, elle donne 746 fr ,3278, au bout de soixante-quinze ans elle donne 917 fr ,8888. Le Bon à lot affecte donc à tort le caractère d’une valeur de placement ; c’est un billet de loterie.

Quoi qu’il en soit, et malgré les inconvénients qu’elles offrent entre les mains de certains spéculateurs, les valeurs à lots — nous voulons parler de celles qui offrent au capital une rémunération à époques fixes — doivent être considérées comme un des meilleurs placements offerts à l’épargne. L’expérience démontre qu’en France par exemple, les valeurs les plus répandues « dans le monde où