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plus générale des eaux des égouts des villes. Si l’on engraisse du bétail, par exemple, on reconnaît facilement que l’herbe d’une prairie convenablement fumée est plus nutritive et donne des résultats plus rapides que l’herbe des prairies irriguées à l’eau claire. On constate également des résultats analogues avec les autres récoltes, les céréales, les cultures maraîchères. L’appréciation de la qualité -des eaux qui doivent être employées à l’irrigation est donc une partie importante de l’agronomie.

. Leur importance économique.

Il serait difficile, étant donnée l’imperfection des statistiques agricoles à cet égard, de relever, avec quelque exactitude, l’étendue des terres soumises à l’irrigation, ainsi que leurs produits. Voici cependant un aperçu approximatif.

r Pour la France, la statistique agricole de ’ 1882 -^ qui manque de précision sur cette question — évalue à 955 265 hectares les prairies irriguées par des canaux ou travaux spéciaux et à 1 405 000 hectares celles irriguées naturellement par les crues des rivières, soit 2360000 hectares environ au total (il n’est rien dit des autres cultures ni des submersions de vignobles). Les rendements moyens sont estimés à 37 quintaux de fourrages valant 230 francs par hectare soumis aux irrigations, contre seulement 31 quintaux valant 190 francs en terrains secs. On a beaucoup développé les irrigations dans notre pays de 1880 à 1890.

En Italie, M. Hérisson évalue à 1 122000 hectares les surfaces irriguées au moyen de canaux spéciaux en Piémont et en Lornbardie ; ces deuxprovinces comprennentla presque totalité des terres irriguées : prairies, rizières, cultures diverses. Quant aux produits, ils s’élèvent parfois très haut : les prairies donnent de 6 500 à 8000 kilos de foin sec annuellement, et les fameuses marcites de la Lombardie donnent 14000 kilos, tandis que sur celles arrosées par les eaux d’égout de Milan on récolte jusqu’à 2y 000 kilos ■de foin sec par hectare. Les marcites se louent de 230 à 500 francs l’hectare. Soumis ■à la culture du riz, les sols irrigués produisent 22 à 25 hectolitres de riz commercial, soit un produit brut d’environ 550 francs par hectare.

L’Espagne a aussi développé quelque peu les irrigations en Andalousie, dans la province de Valence, en Catalogne, mais elle est loin d’avoir réalisé dans cette voie tout ce qu’elle pourrait et devrait faire. L’Algérie, depuis la conquête française, multiplie -à son tour les barrages pour retenir les eaux IL

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dont le régime est irrégulier et lés utiliser ensuite aux besoins de l’agriculture : on a fait dans cette voie de véritables merveilles économiques, qui demanderaient des études spéciales. On est bien loin cependant de ce qui a déjà été fait aux États-Unis, où plus de 20 millions d’acres (8 millions d’hectares) sont déjà soumis à l’irrigation dans les États de la région des montagnes Rocheuses, des Terres chaudes, et surtout en Californie, et où ces surfaces s’accroissent avec une rapidité qui ne trouve de semblable à l’heure actuelle qu’en Australie. L’Egypte, quoique fécondée régulièrement par les crues du Nil, a construit en outre et développe régulièrement un réseau considérable de canaux d’irrigation. Toutefois, jusqu’à présent, c’est la Chine et l’Inde qui ont encore les plus grandes étendues de terres irriguées. Pour la Chine, il est impossible de donner des chiffres, mais on sait que tout ce qui est réalisable a été fait. Dans l’Inde, la statistique anglaise de 1880 nous fait connaître que 118 225 kilomètres carrés étaient soumis à l’irrigation, et une forte part du budget annuel est consacré aux travaux d’extension de cette zone. Cet essai de statistique, si imparfait qu’il soit 1 , montre que les bienfaits des irrigations sont appréciés par l’agronomie. Quelques résultats obtenus dans différents milieux peuvent d’ailleurs suffire à justifier la faveur dont elles jouissent. Dans la Campine belge, le canal dérivé de la Meuse a exigé, terrain compris, une dépense de fOOO à 1200 francs par hectare ; le revenu net, dans les plus mauvaises conditions, ne s’élève pas à moins de 130 à 150 francs soit 10 à lo p. 100. En Sologne, les prés non arrosés donnent de 1000 à 2000 kilos de foin par hectare, les prés arrosés fournissent de 4500 à 8000 kilos. Barrai, dans l’un de ses rapports sur les concours d’irrigation, dit qu’il a constaté, dans Vaucluse, des rendements de 17 000 kilos de foin sec et de 19000 kilos de luzerne et des produits dépassant une valeur de 3000 francs dans les cultures maraîchères. On peut citer des résultats plus extraordinaires encore. De Gasparin déclare, dans son Cours d’agriculture, avoir vu « 14 hectares de terrain graveleux et sablonneux provenant d’un bois défriché et ayant coûté 18 000 francs, produire en une seule année, par le moyen des irrigations du canal de ûonzère, 350000 kilos de luzerne, d’une valeur de 18 000 francs, prix d’achat du terrain ». (Tome I, p. 458). Mais ce n’est pas par des exemples choisis t. Nous avons entre les mains de très nombreux documents sur la question, mais aucune statistique un peu précise. C’est une véritable lacune qu’il serait facile de mettre en évidence et qu’i : est important de combler.