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marché et un abaissement sensible du taux des changes avec le continent. Elle a pensé qu’il y avait intérêt à faire une enquête particulièrement sur les circonstances auxquelles se rattachaient ces deux faits et à entendre, de la bouche même des personnes versées dans la pratique et le détail des affaires commerciales, les explications qu’elles seraient à même de donner sur un état de choses si anormal. Elle a donc appelé devant elle un grand nombre de commerçants recommandables par l’importance de leurs affaires et l’étendue de leurs relations. Elle est arrivée à des résultats qu’il nous paraît utile d’indiquer.

1o Dans un pays qui a adopté une monnaie non exportable dans les autres pays ou non convertible à volonté en numéraire exportable, une surabondance du médium de circulation produit une hausse générale du prix de toutes les marchandises, l’or y compris, et une dépréciation du taux des changes avec l’étranger.

2o Le métal est le vrai régulateur et de la valeur d’un médium de circulation locale et du taux des changes avec l’étranger ; la liberté de convertir en métaux précieux le papier circulant, ainsi que la liberté d’exporter ces métaux, limitent la dépréciation du change.

Le pair du change entre deux pays est la somme de monnaie de l’un des deux pays qui, en valeur intrinsèque, est précisément égale à une somme de monnaie de l’autre pays, contenant précisément un poids égal d’or ou d’argent de la même pureté. Si un pays a adopté l’or comme sa principale mesure de valeur et un autre pays l’argent, on ne peut évaluer le pair entre ces deux pays, pour une certaine période, sans tenir compte de la valeur relative de l’or et de l’argent pendant cette même période. Mais la valeur relative de ces deux métaux précieux est sujette à des variations ; il s’ensuit que le pair du change entre deux pays de ce genre ne peut pas être rigoureusement déterminé, car il varie entre certaines limites.

Si le prix des traites d’un pays baisse jusqu’à procurer un bénéfice sur l’achat et l’exportation des denrées de ce pays, il se produit une exportation proportionnelle au montant des traites tirées, ce qui fait remonter le prix des traites. Le numéraire et les lingots forment une partie de la masse générale des articles exportés et importés. Le change réel avec le continent au désavantage de l’Angleterre n’a pu à aucune époque dépasser sensiblement la limite déterminée par le prix de transport des espèces.

Le change entre deux pays est à son pair réel lorsqu’une lettre de change, achetée dans l’un de ces pays moyennant une certaine somme de monnaie de ce pays permettant d’acheter une certaine quantité d’or ou d’argent, se vend dans l’autre pays pour une somme de monnaie de celui-ci convertible sur son marché en une égale quantité d’or ou d’argent de la même finesse. Le change réel est en faveur d’un pays faisant des transactions monétaires avec un autre, lorsqu’une quantité donnée d’or ou d’argent dans le premier pays est convertible en une somme de monnaie du second pays, convertible elle-même en une plus grande quantité d’or ou d’argent de la même finesse.

Une grande partie au moins de la dépréciation que les changes ont récemment éprouvée est le résultat non de l’état du commerce, mais d’un chargement survenu dans la valeur relative de notre agent de circulation.

3o La Banque, en exerçant son pouvoir discrétionnaire de fournir au marché un médium de circulation, a pensé qu’elle n’émettait pas trop de papier lorsqu’elle l’avançait aux commerçants en escomptant de bonnes valeurs payables à des époques déterminées et qu’elle n’avait à se préoccuper ni du prix des métaux précieux, ni du cours des changes. La commission ne peut pas hésiter à dire que ces opinions de la Banque doivent être considérées comme étant en partie la cause efficiente de la persistance de l’état de choses actuel.

4o Le système de circulation du pays doit être ramené, aussi rapidement que le permettront les précautions nécessaires, au principe fondamental des payements en espèces à la volonté du porteur du papier de la Banque. La suspension des payements en espèces ne peut être abrogée dans un délai plus court que deux ans à partir d’aujourd’hui. S’il se produisait jamais une occasion de recourir à une nouvelle mesure de suspension des payements en espèces, cette suspension ne pourrait à aucun degré être motivée par l’état des changes avec l’étranger, mais bien par un état de choses politique, produisant ou capable de produire bientôt une panique intérieure qui aurait pour effet de provoquer une demande d’espèces, pour les besoins privés, telle qu’aucun établissement de banque ne pût y suffire. C’est surtout au point de vue de la dépréciation extraordinaire des changes qui a eu lieu récemment et de l’élévation du prix de l’or qu’il est urgent de revenir au système ordinaire de la Banque. C’est le seul moyen de rétablir la confiance dans le médium de circulation du royaume.