Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/87

Cette page n’a pas encore été corrigée

65 ARBITRAGE

I. 5

veillée. Que, d’hésitations, de lenteurs, d’oublis, de résistances ! Avec la liberté, rien de pareil ; le concours est ouvert pour tous et chacun agit à ses risques et périls, les ordres sont donnés sans paroles, mais chacun les devine ou les sent promptement et obéit sans délai, parce qu’il sait que la peine ou la récompense seront les résultats inévitables de ses actes. Point d’excuse, point d’atténuation l’avancement, la rétrogradation ou la destitution ne se discutent pas et aucun mensonge ne les élude, on s’enrichit ou on se ruine. Et par quel procédé se règle ce mécanisme dont la complexité et la puissance effrayent l’imagination  ? Par un seul, l’échange ou achat-vente. C’est l’échange qui, par les variations de valeur, dirige l’industrie, appelle ou repousse les capitaux et les ouvriers, répartit les richesses et détermine le chiffre de la population. Ce procédé est si simple et ses effets sont si étendus qu’il faut un certain effort de pensée pour les comprendre. Mais lorsqu’on les étudie avec attention, on y reconnaît sans peine une loi supérieure à toutes les inventions humaines, une de ces lois de la nature que notre esprit peut découvrir, mais qu’il ne saurait jamais inventer ni imposer. Alors on reconnaît que l’échange et les contrats établis pour des fins industrielles constituent la base solide de la société moderne et on est étonné de la témérité étourdie avec laquelle on les attaque.

Mais l’étonnement cesse lorsque l’on considère que le régime d’autorité, dont la mise en pratique dans un grand État exigerait pour les fonctions dirigeantes des hommes non seulement distingués,mais supérieurs à tous égards à la condition humaine, se présente avec une apparence tellement simple qu’un homme sans culture et même un enfant croit facilement le comprendre, tandis que la liberté, dont le jeu est si simple et si puissant, n’apparaît pas au premier regard et ne se révèle qu’au prix d’une étude attentive, dont tous les hommes ne sont pas capables. Un supérieur qui commande et juge, des subordonnés qui obéissent, cela se touche et se voit. Au contraire, lorsque chaque individu agit d’instinct, sans regarder au delà de son intérêt personnel le plus immédiat, on a bien de la peine à comprendre qu’il résulte un.ordre quelconque de cette mul- titude de volontés concurrentes. Pour com- prendre cet ordre, il faut porter les regards plus haut et considérer l’ensemble des 1 choses ; mais alors, comme il arrive chaque fois que l’on contemple l’action des lois de 1 la nature, on admire et on se tait. 1 COURCELLE-SENEUIL.

T

ARBITRAGE. L’arbitrage est l’opération par laquelle le négociant, le banquier, le spéculateur, tire un bénéfice des écarts de prix existant au même moment pour le même objet sur les différents marchés. Comme le détinit Littré, l’arbitrage, en terme de banque, estl’opération par laquelle on choisit la voie la plus avantageuse pour tirer ou remettre des lettres de change sur une place étrangère ; c’est aussi le trafic qui consiste à acheter des effets sur une place où ils sont dépréciés pour les revendre sur d’autres places où ils sont recherchés. En terme de bourse, c’est une opération par laquelle on échange une valeur de bourse contre une autre, en vendant l’une et en achetant l’autre.

Les opérations d’arbitrage reposent toutes sur le principe suivant acheter une marchandise, une lettre de change, une valeur de bourse, une monnaie, sur un marché où le prix actuel offre un bénéfice par rapport au cours d’une autre place sur laquelle on se propose de réaliser la transaction. (V. au mot BANQUE I, 3, les exemples de ce genre de transaction.) On voit aisément le rôle important que ces opérations sont appelées à jouer pour amener le nivellement, l’équilibre des prix, pour diminuer l’écart des cours.

L’arbitrage a besoin d’opérer sur des matières qui ont le caractère international le plus étendu, qui sont courantes sur le plus de marchés possible. Pendant longtemps, tant que les relations entre pays étaient bornées à l’achat et à la vente de quelques denrées par quantités relativement peu considérables et au payement de ces achats, les arbitrages ont porté sur les lettres de change avec le développement du commerce, avec le progrès de l’outillage, avec l’organisation des Bourses de valeurs et de marchandises, avec la rapidité croissante des communications, la sphère d’activité des arbitragistes a grandi. Elle a embrassé les fonds d’États, les actions et obligations des grandes sociétés industrielles ou financières, enfin les denrées comme le café, le coton, les céréales, le pétrole, qui font l’objet de transactions à terme sur un grand nombre de places importantes. L’arbitrage est fort utile, en ce qu’il permet de solder ce qu’un pays doit à un autre d’une manière indirecte, par une voie détournée, qu’il protège en quelque sorte la circulation métallique d’un Etat contre le drainage. de l’or. Supposons qu’à Berlin le papier sur Londres soit relativement bon marché, le papier sur Paris cher, alors qu’en même temps à Londres le papier sur Paris est bon marché, le banquier berlinois pourrait acheter des effets sur Londres, les y envoyer et s’en servir 5


ARBITRAGE