Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/82

Cette page n’a pas encore été corrigée

60 APPROPRIATION

ou, comme on dit, la loi de l’offre et de la demande. En effet, sous ce régime, chaque individu travaille isolément en toute indépendance et les richesses produites, si l’on excepte celles réservées à l’impôt, sont appropriées par un procédé unique, l’échange. Or, dans l’échange, chaque homme obéit au même penchant que dans la production il cherche à obtenir la plus grande richesse qu’il peut au prix du moindre travail ou sacrifice possible ; sa volonté obéit à une direction fixe. Les phénomènes qui naissent de l’échange sont également fixes et susceptibles d’une étude scientifique. Ce sont la valeur courante et la valeur habituelle, le prix, le coût de production, le prix de revient et ses éléments, intérêt, fermages ou loyers et salaires.

Nous n’étudierons point ici le détail de ces phénomènes, mais seulement le régime de la liberté dans son ensemble, dans ses grandes lignes, en le comparant au régime opposé. La comparaison des deux régimes d’appropriation ne saurait donner lieu à des conclusions absolues et on peut prévoir qu’elles seront différentes selon l’état d’avancement industriel et social des individus dans la société que l’on considère. Pour abréger, nous laisserons de côté les considérations relatives aux sociétés dans lesquelles a existé ou peut exister une extrême inégalité d’avancement industriel, pour regarder seulement les sociétés dans lesquelles nous vivons, dans lesquelles l’état d’avancement industriel des divers individus est moins inégal.

Les points sur lesquels portera notre comparaison sont les problèmes que présente tout arrangement d’industrie, savoir 1° direction et attribution des fonctions ; 2° formation et conservation des capitaux ; 3° énergie du travail ; 4° art industriel ; 5° lois de lapopulation et nous terminerons par une comparaison d’ensemble.

3. Direction de l’industrie. Attribution

.Sous le régime d’autorité, c’est le gouver- nement qui dirige l’industrie, détermine les besoins à satisfaire et la quantité d’objets de chaque espèce qui doivent être produits. C’est lui qui définit et limite les besoins in- dividuels et fournit les moyens de les satis- faire. Avec laliberté, l’industrieest dirigée à chaque instant, sans interruption, par la de- t mande des particuliers. Chacun de ceux-ci 1 juge les besoins qu’il éprouve, choisit ceux qu’il tient à satisfaire et ceux à la satisfaction d desquels il doit renoncer pour tel ou tel mo- tif dont il ne doit compte à personne. r Sous le premier régime, le gouvernement r

omme on dit, la loi de l’offre et de la admet ou rejette des besoins qu’il ne connde. En effet, sous ce régime, chaque naît pas et veille à ce qu’ils ne dépassent pas

des fonctions.

admet ou rejette des besoins qu’il ne connaît pas et veille à ce qu’ils ne dépassent pas la somme des richesses produites par une réduction arbitraire ; avec la liberté, chacun choisit entre ses besoins ceux qu’il veut satisfaire et mesure la satisfaction de ses besoins à la somme de ses revenus.

L’erreur est toujours possible dans la direction de l’industrie. Si l’autorité se trompe, les gouvernés seuls subissent les conséquences de l’erreur, les gouvernants se réservant par privilège les objets nécessaires à la satisfaction de leurs besoins personnels. L’erreur, d’ailleurs, n’est connue que tard. Avec la liberté, l’erreur est signalée sur le champ par des variations qui élèvent la valeur des objets qui manquent et abaissent celle des objets produits en excès. Ces variations constituent non seulement un avis, mais un ordre clair et précis de rectifier sans délai les opérations.

Sous l’empire de l’autorité, les fonctions sont partagées entre les individus par des ordres donnés directement. Avec la liberté, c’est la famille qui élève l’enfant et lui choisit la profession qu’elle juge la plus avantageuse, en considération de l’état social existant. 4. Formation et conservation des capitaux.

Il faut que les capitaux dont l’industrie a besoin soient créés par l’épargne et conservés par un emploi reproductif. Sous l’autorité, le gouvernement décide ce qui sera produit, ce qui sera consommé ou épargné et quel emploi sera donné aux capitaux épargnés il veille à l’exécution des ordres donnés au moyen d’inspecteurs payés dans toutes les branches de l’industrie, quelque minimes qu’elles puissent être. Ces inspecteurs doivent dire incessamment à chacun: « Travaille ! tu as produit, voici la part de la consommation, voilà celle de l’épargne ».

Avec la liberté, point d’ordres semblables chacun emploie son travail comme il veut et dispose à son gré du produit de ce travail. Il consomme ce produit en entier ou en épargne une partie. C’est lui qui place les capitaux épargnés soit directement, soit par un intermédiaire auquel il les prête ou les confie à un titre quelconque. Il économise ainsi et garde pour lui les sommes que l’autoritéattribuerait aux inspecteurs dont il tient la. place. Ces sommes lui sont payées par contrat à titre d’intérêts, de fermages ou de loyer, selon la forme des capitaux.

Les propriétaires et les capitalistes sont, dans l’état de liberté, les conservateurs et les gardiens des capitaux de toute espèce ils remplissent exactement la fonction des inspecteurs qu’exigerait un régime d’autorité.


APPROPRIATION