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plus simple, du mot « appropriation », rattachée par sa forme à celui qui exprime l’idée juridique de propriété. Les études de l’économie politique portent bien en réalité sur la manière dont les richesses sont appropriées entre les divers individus et la science y reconnaît deux formes abstraites, l’une qui règne dans la famille et qui pourrait à bon droit porter le nom de « distribution », l’autre, qui règne entre les adultes capables de contracter auxquels le mot de « distribution » ne saurait s’appliquer avec exactitude, quoiqu’il y ait partage.

L’attribution à chaque employé de l’État de la part qui lui revient sur le produit des contributions publiques, bien que le contrat intervienne dans sa fixation, pourrait prendre le nom de distribution.

Ainsi des trois formes concrètes d’appropriation, il n’y en a qu’une à laquelle le mot convienne exactement il conviendrait à la troisième, forme mixte, par à peu près ; il ne convient pas du tout à la seconde, la plus importante, qui est l’appropriation par l’échange.

Tels sont les motifs qui nous ont fait abandonner le terme adopté par nos prédécesseurs, non pour altérer leur conception, mais pour la mieux préciser par un terme qui comprenne dans sa généralité toutes les formes concrètes et que nous avons été heureux de rencontrer dans la langue.

Courcelle-Seneuil.


DIVISION DU TRAVAIL.

1. Définitions : partage des occupations. — Coopération simple. — Coopération complexe.

Parmi les causes qui augmentent la puissance productive du travail de l’homme, il en est une très importante, relative aux rapports des hommes entre eux : c’est la combinaison ou l’arrangement des efforts de plusieurs et même d’un grand nombre d’individus, dans un but commun.

Il suffit de jeter les yeux autour de soi pour constater que cette combinaison d’efforts se développe naturellement et, pour ainsi dire, sans que l’on y songe. Un homme ne produit pas tous les objets dont il a besoin. Un tailleur, par exemple, ne fait ni ses chapeaux, ni ses souliers. Il ne fabrique pas les outils dont il se sert ; et, si l’on envisage sa vie en général, en dehors de son métier, on s’aperçoit que tous les objets qu’il consomme sont passés d’abord par d’autres mains que les siennes, et ont été créés de toutes pièces, ou modifiés, par le travail d’un nombre très grand d’individus.

Ces combinaisons du travail ne se manifestent pas seulement dans l’industrie mais aussi dans toutes les branches de l’activité humaine. Le partage des occupations remonte à la plus haute antiquité ; son développement a toujours été indissolublement lié à la civilisation dont il est l’un des principaux facteurs. Adam Smith, qui a observé les cas particuliers à l’atelier industriel, a. donné à ces combinaisons le nom de Division du travail. On s’est aperçu plus tard que l’idée d’où vient cette division du travail présente un principe bien plus général et bien plus étendu.

J.-Stuart Mill a écrit avec raison : « Ce puissant auxiliaire de la production n’a été envisagé sérieusement par les économistes que sous une seule de ses faces, la division du travail. M. Wakefield, dans ses notes à l’édition de Ad. Smith, est le premier qui ait remarqué que jusque-là on avait pris, au grand détriment de la science, la partie pour le tout, que sous la division du travail se trouve un principe fondamental d’économie politique qui la comprend elle-même. » (J.-St. Mill. Princip. d’écon. politique, 1er vol., ch. VIII, § 1).

Cette union des efforts, M. Wakefield (voy. ce mot) l’a appelée coopération, parce qu’elle offre, en effet, tous les caractères d’une association, dans certains cas consentie, dans. d’autres imposée par la nature des choses[1].

C’est pourquoi l’on distingue deux genres de coopération : 1° la coopération simple ; 2° la coopération complexe.

La première a lieu lorsque plusieurs individus unissent, dans le même temps, leurs efforts pour un travail de même nature. Ils ne font qu’ajouter les unes aux autres des forces semblables. Le déplacement des lourds fardeaux, le halage des bateaux à bras d’hommes, etc., sont des exemples de coopération simple. Par cette définition, l’on voit que cette coopération ne peut exister qu’à des conditions déterminées qui sont les suivantes plusieurs personnes doivent être

  1. Il faut prendre ici le mot coopération dans son sens le plus général action conjointe.

    Parfois ce mot est employé pour désigner des contrats d’association industrielle ou commerciale, sous le nom de sociétés de coopération (voy. ce mot) ; dans ce cas, la coopération est déterminée étroitement par des conventions non-seulement au point de vue du travail, mais aussi, en ce qui concerne les résultats financiers, de la répartition des bénéfices.