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nomade jusqu’alors, devient plus ou moins sédentaire ; la cité se forme, les intérêts politiques et sociaux se développent.

La culture commence par les terres les plus voisines du campement, et souvent le campement lui-même est déplacé après la récolte. Puis s’établit la culture celtique, qui était celle de nos ancêtres Gaulois et que l’on retrouve chez les Arabes ; un territoire de parcours est assigné à la tribu, et la culture se déplace sur ce territoire.

Pendant une période fort longue d’ailleurs, l’agriculture est une industrie sans science. Aucune théorie, aucune généralisation ne peut être formulée. Ce n’est qu’à une époque très rapprochée, presque contemporaine, sous la double influence des progrès de la science d’une part et de la prodigieuse transformation qui s’est opérée dans les moyens de communication, par suite de l’application de la vapeur aux transports terrestres et maritimes, que l’agriculture a commencé l’évolution à laquelle nous assistons et qui est, sans doute, le fait le plus considérable qui puisse appeler l’attention des économistes.

La prise de possession du globe se poursuit sur tous les points avec une intensité croissante ; les marchés ont cessé d’être locaux ou nationaux pour devenir universels ; la possibilité de communiquer la pensée par lettres, par télégrammes, avec une rapidité que, il y a peu d’années encore, on ne pouvait ni espérer ni prévoir, a rendu les points les plus éloignés de la terre solidaires les uns des autres les récoltes des blés de l’Inde, comme celles des côtes de l’Amérique du Nord baignées par l’océan Pacifique, ont, par leur abondance ou leur rareté, une influence directe et presque immédiate sur les marchés de toute l’Europe (V. PRODUITS INTERNATIONAUX).

La diversité des climats a amené, sur les points variés du globe, les manifestations de la vie végétale les plus multiples ; les produits de toutes sortes sont chaque jour mis à la disposition de l’humanité par l’agriculture de tous les pays à ses divers états de progrès ; l’échange de ces produits si divers et les moyens dont on dispose aujourd’hui pour les connaître et en apprécier les usages, rend de plus en plus fréquents les rapports entre les peuples les plus éloignés. Non seulement l’agriculture satisfait à la plupart des besoins de l’homme, mais elle crée en quelque sorte de nouveaux besoins et de nouvelles jouissances, en mettant sa disposition les moyens d’y pourvoir. En lui procurant des produits nouveaux, elle lui a donné, par cela seul, des moyens d’action

également nouveaux. Si l’on n’avait pas trouvé, il n’y a guère plus d’une quarantaine d’années, le caoutchouc et la gutta-percha dansles forêts du Nouveau Monde, de l’Océanie et de l’Asie, on n’aurait jamais pu exécuter ces appareils électriques, ces câblessous-marins, qui enlacent le globe dans un réseau de plus en plus serré et transmettent la pensée, avec une si prodigieuse rapidité, à toutes les extrémités de la terre.

En même temps la science, trouvant les. grandes lois de la physiologie, est arrivée à découvrir, chez les plantes comme chez les. animaux, les conditions nécessaires au développement d’une vie de plus en plus parfaite. Les plantes cultivées dans des sols mieux préparés, pourvus des éléments minéraux nécessaires à leur nutrition, améliorés en outrepar une sélection intelligente etpatiemment poursuivie des semences, arrivent à donner des récoltes plus assurées, plus abondantes et de meilleure qualité, avec une moindre dépense. Des produits complètement inconnus, comme le mais, le tabac, la pommede terre, il y a quelques centaines d’années. à peine, sont tellement entrés dans l’usage général, que les générations modernes ont peine à comprendre qu’ils n’aient pas toujours été de consommation ordinaire. De. même, les espèces d’animaux domptées et rendues domestiques ont toujours été en augmentant ; les races, sous l’influence des. découvertes de la physiologie animale, ont été améliorées, perfectionnées, et si l’on compare les animaux domestiques actuels à leurs congénères à l’état sauvage, la transformation a été le plus souvent si complète, qu’on à peine à retrouver les caractères spéciaux des races originaires. Leur chair donne à l’homme une nourriture meilleure et leurs dépouilles fournissent à l’industrie des matières premières plus nombreuses et plus, parfaites.

Les facilités de communications nouvelles’ ont rapproché les uns des autres les pays. les plus éloignés ; des contrées immenses.presque absolument inhabitées ont été misesen contact, pour ainsi dire immédiat, avecles continents, berceaux des anciennes civilisations. La superficie des terres ainsi conquises à la culture et à la civilisation progressives depuis cinquante années dépasse énormément celle des anciennes contrées. européennes.

L’agriculture est aujourd’hui soumise à des influences économiques diverses qui, en. se modifiant sans cesse, la placent dans des. conditions en quelque sorte instables ; et il semble qu’on ne puisse arriver à un certain équilibre avant le terme, encore lointain, de:


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