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CHEMINS DE FER 405 CHEMINS DE FER s lignes où l’exploitation est plus diffi- lui sont nécessaires ; seulement il les recesur des lignes où l’exploitation est plus difficile. Toutes ces considérations justifient les tarifs différentiels ; ils sont une combinaison essentiellement commerciale, ils étaient pratiqués par le roulage avant de l’être par les chemins de fer, et M. Legrand, sous-secrétaire d’État des travaux publics, était dans le vrai, quand il disait en 1843 devant la Chambre des pairs « Les prix différentiels sont la base de toutes les opérations de transport ; les interdire, c’est paralyser l’industrie ».

. Tarifs de transit. Leur objet. Il y a une catégorie spéciale de tarifs différentiels que nous ne pouvons point passer sous silence, à cause des critiques qui leur sont fréquemment adressées nous voulons parler des tarifs de transit et des tarifs d’exportation. Les premiers ont pour objet d’accroître le mouvement de nos ports, en y

attirant des marchandises qui débarqueraient ou seraient embarquées dans les ports étrangers, si elles n’avaient pas la facilité de traverser à prix réduit le territoire français. Les seconds se proposent de favoriser nos manufactures, en leur ouvrant, grâce à la diminution des taxes de transport, des marchés étrangers où leurs produits ne parviendraient pas sans cette réduction de frais. De prime abord, les abaissements de tarifs consentis dans ces deux cas par les compagnies semblent très avantageux à l’ensemble du pays. Cependantleurs adversaires prétendent qu’ils ne profitent qu’à l’étranger, qui se procure ainsi à meilleur marché les produits dont il a besoin, et qui abuse de ce bon marché pour nous faire concurrence et développer ses industries. Cette opinion a

failli entraîner au début la prohibition des tarifs de transit. Ainsi, dans un rapport lu en 1838 à la Chambre des députés, M. Vitet s’exprimait ainsi « Non seulement cette combinaison procurerait aux pays voisins de la France l’avantage de payer à plus bas prix que nous tous les produits exotiques, toutes les matières premières, mais elle donnerait une prime aux provenances de leur industrie et de leur agriculture, prime qui les aiderait à nous battre sur tous les marchés étrangers. Se faire le facteur, le voiturier gratuit de ses voisins, de ses rivaux, c’est se placer dans une condition qu’un peuple ne peut accepter et qu’il ne subirait qu’au prix d’une ruine certaine ». Tels sont les arguments qu’on n’a cessé de ressasser depuis un demi-siècle, mais une considération de fait suffit à en faire justice ; c’est que si les tarifs de transit n’existaient pas, l’étranger ne recevrait pas moins les produits qui lui sont nécessaires ; seulement il les recevrait par une autre voie que la France. On oublie trop souvent en effet, dans les discussions économiques, que nous ne sommes pas isolés en Europe et que nous ne sommes pas les seuls à posséder des ports et des chemins de fer. La réalité est tout autre. Le Havre, Dieppe, Calais, Dunkerque sont concurrencés par Ostende, Anvers, Rotterdam,

Amsterdam, Hambourg ; Marseille a pour rivale Gênes. Des lignes ferrées nombreuses aboutissent aux ports belges, hollandais, allemands, italiens. Si donc nos compagnies de chemins de fer ne favorisaient pas, par des prix de transport aussi réduits que possible, nos places maritimes de commerce, elles perdraient un trafic considérable dont profiteraient les places étrangères, et l’industrie suisse et allemande, aussi bien alimentée que par le passé, continuerait sa lutte avec la nôtre dans des conditions qui ne seraient en rien empirées.

Il. LES CHEMINS DE FER A L’ÉTRANGER. 27. En Angleterre.

C’est uniquement à l’initiative individuelle qu’est due la création du réseau des chemins de fer anglais. Dès le commencement du siècle, on construisit plusieurs voies ferrées, destinées au transport des marchandises et où les wagons étaient traînés par des chevaux. Puis, lorsque Stephenson eut mis en circulation en 1825 la première locomotive, les hommes intelligents comprirent tout de suite les services que rendrait l’emploi de la vapeur. Le parlement autorisa, entre 1826 et 1830, l’établissement de 28 lignes, d’une longueur, il est vrai, peu considérable, et le 15 septembre 1830 le premier train à voyageurs fut lancé sur la ligne de Liverpool à Manchester. L’opinion publique, qui avait été jusque-là hostile aux voies ferrées, se montra plus favorable ; de grandes lignes, celles de Londres à Birmingham, de Londres à Southampton, de Londres à Bristol, etc., furent concédées, et à la fin de 1843 le parlement avait voté la construction de 3,847 kilomètres de chemins de fer, dont 3,277 étaient en exploitation. Il se produisit alors, à l’égard de ces entreprises, un engouement qui dura jusqu’en 1848 et que les Anglais ont nommé la manie des chemins de fer. Au mois de novembre 1845 le parlement se trouva saisi de projets déposés par 1,263 compagnies différentes et comportant une dépense de plus de 14 milliards de francs ; en 1846 et 1847, il dut former d’abord 64, puis 52 comités, qui consacrèrent la première année 867 séances et la seconde année 635 séances à la discus-