Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

11 ACCAPAREMENT

troupeau des consommateurs, privé parla loi a de ses moyens naturels de défense, est fait ti désormais pour être tondu. On lui vendra aussi cher que possible, au prix, par exem- n ple, auquel les usines étrangères peuvent c vendre à la frontière, mais après y avoir t ajouté le montant du droit ; on divisera le 1 pays en zones et on attribuera ces zones aux industries groupées dans chacune d’elles. S’il y a, malgré tout, un excès de produc- tion, et c’est probable, on écoulera meilleur c marché au dehors. Le consommateur indi- c gène payera un impôt et cet impôt, encaissé l par le fabricant, constituera une prime au E profit des consommateurs étrangers. Les coalitions ont la prétention d’assurer la marche normale des industries où elles 1 s’exercent, de garantir le travail des ouvriers de ces industries. Mais cette prétention ne ] semble pas être aussi justifiée qu’on veut bien le dire, car c’est le contraire qui se révèle le jour où les coalisés entreprennent de res- treindre la production. Aux États-Unis, les 1 coalitions ferment les fabriques, pèsent sur les salaires. Les protectionnistes ont beau affirmer que plus la protection est grande, plus le capital afflue vers les branches protégées, que la demande de main-d’œuvre s’accroit d’une façon considérable et que les salaires s’élèvent on peut leur répondre que meilleur marché est une marchandise, plus grande est la consommation ; que plus l’industrie est active, plus la demande d’ouvriers est abondante.

Il faut faciliter laconsommation ; cela vaut mieux que de la restreindre par des entraves artificielles.

Les coalitions sont faites pour augmenter le prix d’un article manufacturé, au profit du capital engagé dans la production.

Les inconvénients qui en résultent peuvent se produire sous diverses formes. Les syndicats de fer brut rendront plus élevés les frais de production des industries qui travaillent le fer. Mais l’inconvénient est surtout sensible lorsqu’il, s’agit d’articles passant directement de la production à la consommation et que le consommateur, auquel on fait payer la marchandise plus cher, est un simple ouvrier qui consomme pour vivre.

Les protectionnistes cherchent à dissimuler cette vérité, qu’il leur serait en réalité si pénible d’avouer. A les entendre, l’ouvrier gagne comme travailleur ce qu’il perd comme consommateur par suite du redoublement d’activité industrielle. On lui fournit l’occasion de compenser par plus de travail la cherté des articles de consommation.

D’ailleurs, avec les syndicats, il n’y a pas toujours, nous l’avons déjà fait remarquer,

augmentation de la production ni amélioration des conditions du travail.

Au contraire, un syndicat habile, reconnaissant que les prix élevés influent sur la consommation, cherchera à limiter la production, afin de ne pas travailler pour remplir les magasins. Il n’est pas facile de comprendre, dans ce cas, comment la demande de main-d’œuvre pourra augmenter. L’ouvrier perd donc des deux côtés, il est frappé doublement ; il a donc le droit de protester contre un régime anti-économique, contre la protection douanière qui rend aisées et pour ainsi dire naturelles les coalitions de fabricants.

La paix et la concorde ne règnent pas dans les branches où fleurissent les coalitions il y a des membres de la coalition qui ne tiennent pas leurs engagements vis-à-vis du syndicat, il y en a d’autres qui ne veulent pas s’y affilier de la une guerre à outrance ; on cherche à ruiner les dissidents ; on indemnise les usines quifont despertes en vendantmeilleur marché que celles qui sont en dehors du syndicat. Il en résulte des difficultés sans nombre et des récriminations entre les diverses branches de l’industrie celles qui ont besoin de matières premières ou de produits à demi fabriqués se prétendent lésées par les syndicats, ce qui ne les empêche pas de se coaliser à leur tour contre les autres. La coalition des laminoirs a fait naitre celle des hauts fourneaux.

Les syndicats contiennent toujours en euxmêmes des germes de dissolution. Tout membre d’une coalition cherche à exploiter la situation à son avantage. On a remarqué que les syndicats ne sont guère favorables aux petits fabricants. L’engagement de ne pas vendre au-dessous des prix de la convention a en effet pour conséquence de concentrer les commandes dans les maisons de premier ordre. A prix égal, l’acheteur préférera toujours s’adresser aux grands établissements et délaissera les petits.

Il n’est pas toujours possible d’englober tous les producteurs dans un syndicat. Souvent les grandes usines restent en dehors et refusent d’aliéner leur liberté. Lors même que l’entente serait unanime, il y a toujours un danger, c’est de provoquer l’établissement de nouvelles usines ; les capitaux sont aujourd’hui à l’affût des placements les plus rémunérateurs. Une industrie où les bénéfices sont trop élevés attire de nouvelles entreprises. Mais ce qu’il faut conclure de l’étude des faits qui se sont si singulièrement développés depuis 1870, c’est que la concurrence seule est capable de déterminer par l’offre et la demande le vrai prix des choses, et que la


ACCAPAREMENT