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vait ensuite opérer des virements, c’est-à-dire des transports de crédits d’une subdivision à une autre.

Sous le second Empire, lorsque le vote avait lieu par service ministériel ou par sections, des décrets spéciaux pouvaient ordonner des virements de chapitre à chapitre. En se réservant cette faculté, le gouvernement avait annoncé que, grâce aux larges disponibilités qu’elle lui assurait, il pourrait toujours se contenter des crédits accordés par le budget primitif, que les excédents de dépense d’un service trouveraient leur compensation dans les économies réalisées sur les autres et que les suppléments de crédit cesseraient d’être nécessaires. L’événement ne ratifia pas les promesses de MM. Troplong et Fould. Les virements de chapitre à chapitre ne dispensèrent pas les Chambres d’accorder des crédits supplémentaires et ils engendrèrent de graves abus. Les services les plus essentiels se virent parfois dépouillés de leur dotation pour des dépenses d’une utilité plus que contestable. L’opinion s’émut, et le mot technique de virement a pris, bien à tort, dans la langue ordinaire, une signification voisine de celle de malversation. Ce qu’il faut critiquer, ce n’est pas les virements eux-mêmes, puisqu’il s’en est fait et qu’il s’en fera probablement toujours de complètement irréprochables ; c’est lalatitude qui leur était laissée et l’emploi qui en était fait.

L’usage des virements se rattache à une question générale qui intéresse l’exécution du budget tout entier. Les prévisions de dépenses ont-elles, en même temps que le caractère restrictif que tout le monde s’accorde à leur reconnaitre, un caractère impératif ? En d’autres termes, l’État est-il libre de ne pas exécuter les services prévus au budget ou de les exécuter dans des conditions différentes de celles qui ont été prévues ? En général, on a une tendance à considérer le gouvernement comme un enfant prodigue demandant beaucoup pour obtenir un peu et toujours disposé à dissiper les sommes qu’on lui accorde ; on est porté dès lors à lui savoir gré des économies qu’il réalise ou des folies qu’ilnefaitpas. Ce point de vue n’est pas juste. Si parmi les services prévus au budget il en est qui ne sont pas d’une nécessité absolue, s’il en est même d’une utilité contestable, il en est d’autres qui touchent aux intérêts vitaux de la nation. L’État peut, doit même parfois supprimer, ajourner ou réduire les premiers. Il ne saurait, sans manquer à sa mission, détruire ou affaiblir les seconds. Si les Chambres ont accordé les crédits nécessaires pour entretenir en temps de paix une armée de 400,000 hommes, c’est 400,000 hommes et non 300,000, que le gouvernement doit instruire, équiper et nourrir. Les économies réalisées au moyen des congés ou des renvois anticipés sont toujours dangereuses ; elles engagent gravement la responsabilité de ceux qui les font. Quand il s’agit de dépenses nécessaires, on peut sans doute réaliser des économies par une diminution des prix de revient ; mais on ne doit pas s’écarter des prévisions qui ont servi de base aux évaluations du budget. III PUBLICITÉ DU BUDGET.

. Secret des anciennes finances. Avantages et conditions de la publicité. Dépenses secrètes. Clarté. Classification des recettes et des dépenses.

La publicité des budgets et des comptes est un principe tout moderne. Aux États généraux de 1614, l’évêque de Belley comparait les finances au mystérieux sanctuaire de l’Ancienne Loi et, un siècle et demi plus tard, une déclaration royale du 28 mars 1764 por-, tait encore interdiction d’écrire sur les finances 1. Aussi quand Necker publia son fameux Compte-rendu de 1781, cette nouveauté fit l’effet d’une révolution. 6000 exemplaires de ce document furent vendus dès le premier jour et de toutes parts s’élevèrent des dithyrambes en l’honneur du ministre qui venait d’apporter la lumière dans les arcanes du Trésor royal 2. Au bas d’une gravure du temps on lit cette légende LA VERTU RÉCOMPENSÉE. « La France, tenant à la main le Compte-rendu, indique à la nation la pyramide sur laquelle est gravé le nom du directeur général des finances. L’Équité, la Charité, l’Humanité et l’Abondance sont au bas de la pyramide. L’Économie ordonne à la muse de l’histoire d’effacer de nos fastes le mot Impôt. L’illusion était un peu forte ; mais, si la publicité donnée aux principaux actes de la gestion financière n’a peut-être pas réalisé tous les avantages qu’on s’en promettait à l’origine, elle n’en a pas moins constitué un véritable progrès. En plaçant l’administration de la fortune nationale sous le contrôle de l’opinion, elle est devenue une garantie de bon ordre et d’économie. En faisant connaître à chaque citoyen la destina- 1. Pour donner une idée des conséquences singulières qu’entrainait la crainte de la publicité, nous rappellerons qu’à la Chambre des comptes de Paris, il a été longtemps de règle que les offices de premier huissier et de relieur ne pouvaient être occupés que par des titulaires ne sachant ni lire ni écrire (Pièces justificatives pour servir à l’histoire des Premiers présidents de la Chambre des comptes de Paris. Notice préliminaire par A. M. de Boislisle). . La mode féminine consacra elle-même le succès du ministre, en inventant les bonnets dits au Compte-rendu Necker.