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choses, les services et l’argent, forme un vécable contrat qui oblige le gouvernement envers la Chambre et la nation ».

La spécialité dans l’objet est plus ou moins rigoureuse suivant l’étendue de la division à laquelle on l’applique. Dans les projets de budget présentés aux Chambres, les dépenses sont, d’après leur objet, détaillées dans des articles qui parfois se subdivisent eux-mêmes en paragraphes. Les articles sont groupés pour former des chapitres et ces chapitres aujourd’hui ne sont plus classés, en France, que par ministère ou par services généraux 1 mais à deux reprises, la réunion de plusieurs chapitres a formé ce que l’on appelait une section du budget. Après avoir été voté en bloc sous le premier Empire, et par services généraux pendant presque toute la durée de la Restauration, les dépenses ont commencé, à partir de l’ordonnance du 1er septembre 1827, à se spécialiser dans des sections. Ensuite la spécialité par chapitres, créée par la loi du 29 décembre 1831, s’est maintenue sous le gouvernement de Juillet et sous la République de 1848. Sous le second Empire, les crédits ont été successivement votés par services généraux de 1852 à 1861, par sections de 1862 à 1869, par chapitres en 1870. Enfin laloi du 16 septembre 1871, votée sur le rapport deM. Casimir Périer, a définitivement consacré la spécialité par chapitres2. Chacun de ces systèmes a eu ses partisans 1. Les services généraux sont ceux qui, pris dans leur ensemble, forment une branche d’administration complètement distincte. Par exemple, les cultes, les beaux-arts, les colonies, qui ne sont pas érigés en départements miuistériels, constituent des services généraux. Ces services ont pris le nom de sections, depuis la suppression des sections budgétaires du second Empire.

La division en chapitres existait déjà sous l’ancienne monarchie. « Les dépenses consistent en quarante-huit chapitres portés dans les registres de Sa Majesté. (Note autographe de Colbert. Edition impr. Impériale, t. II, 1re partie, p. 84).

. Nous ne parlons ici que de la spécialité législative. Mais lorsque le vote avait lieu par sections ou par services généraux, la répartition des crédits par chapitres, opérée par ordonnance royale on par décret, créait une autre spécialité, également obligatoire pour les ministres ordonnateurs. C’est cette dernière qui a été d’abord consacrée par notre législation budgétaire. Le ministre de la guerre Clarke ayant ordonné des dépenses en dehors des crédits accordés par les Chambres, les dispositions suivantes, insérées dans la loi du 25 mars 1817, eurent pour objet de prévenir le retour de cette irrégularité.

ART. 151. La répartion que les ministres auront faite entre les divers chapitres de leurs budgets particuliers de la somme allouée par le budget général pour le service de chaque ministère sera soumise à l’approbation du roi, et toutes les parties de ce service seront réglées de manière que la dépense ne puisse excéder le crédit en masse accordé à chacun d’eux.

Ils ne pourront, sous leur responsabilité, dépenser au delà de ce crédit.

ART. 152. Le ministre des finances ne pourra, sous la même responsabilité, autoriser les payements excédants que et ses adversaires. Deux intérêts, en effet, se trouvent en présence. D’un côté, le législateur, si exacts que soient ses calculs, ne peut prévoir au juste la dépense qui résultera de l’exécution des divers services. Il doit laisser une certaine latitude à l’administration, sous peine de l’entraver à tout moment dans son action. D’autre part, il convient de ne pas laisser une trop grande place à l’arbitraire du pouvoir et d’assurer le plus efficacement possible le contrôle du Parlement sur l’emploi des crédits. On s’accorde à penser aujourd’hui que le vote par chapitre concilie, dans unejuste mesure, cette double exigence, et c’est ce système qui a prévalu dans la plupart des budgets européens 2.

Une condition est d’ailleurs nécessaire pour que l’un des deux intérêts ne soit pas sacrifié à l’autre. 11 faut que la division par chapitre soit judicieusement établie. Ce résultat ne peut guère être obtenu que par les améliorations successives qui sont le fruit de l’expérience. La loi toutefois a pris soin d’édicter à ce sujet deux règles,— à la vérité bien peu précises,— prescrivant, l’une que les services du personnel et du matériel soient présentées d’une manière distincte ; l’autre, que les chapitres soient exclusivement composés de dépenses corrélatives et de même nature.

Un des dangers de la spécialité, c’est qu’elle peut fournir à une Chambre peu scrupuleuse le moyen de légiférer par voie budgétaire. Un service a été institué par la loi ; en supprimant du budget la dotation qui lui est indispensable, on le supprime du même coup. Le consentement des deux Chambres serait nécessaire pour abolir la loi qui l’a créé ; le refus d’une seule peut suffire pour retrancher le crédit. L’abrogation d’une loi suppose une discussion. Le refus d’un crédit peut résulter d’un vote sans phrases. La spécialité ne doit pas être rendue responsable de l’usage abusif qu’en peut faire une assemblée usurpatrice et c’est ici le lieu de répéter, après Royer Collard, que ses torts sont ceux du régime représentatif et qu’elle n’en a point d’autres. Quel que soit ce danger, il n’est pas aussi redoutable que ceux qui résultent d’une trop grande latitude laissée à la faculté de virement.

Dans les limites de la spécialité déterminée par la loi de finances, la répartition des crédits est opérée par les soins du gouvernement et il a toujours été admis que celui-ci pou- les cas extraordinaires et urgents et en vertu des ordonnances du roi, qui devront être converties en lois à la plus prochaine session des Chambres. . En Angleterre, les crédits sont accordés par votes, division budgétaire dont l’étendue correspond à peu près à celle de nos chapitres.