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l’Empire, l’emploi des deniers publics administrative et c’est à raison de cette uni-Sous l’Empire, l’emploi des deniers publics ne relevait que de la volonté du souverain, et Napoléon se passa même à plusieurs reprises du vote du Corps législatif pour opérer des levées d’impôts.

Il était réservé à la Restauration d’édicter et d’appliquer la première en France les règles fondamentales qui ont prévalu en matière de budget. Le baron Louis après avoir exposé avec lucidité, dès 1815,les avantages de l’unité budgétaire, en poursuivit avec énergie la réalisation. Il eut aussi le mérite de formuler la règle de la spécialité des crédits qui, défendue par Royer Collard avec son autorité ordinaire, reçut sa consécration dans la loi de finances du 25 mars 1817 et surtout dans les deux ordonnances du 14 septembre 1822 et du 1er septembre 1827 ; rendues sous le ministère deM. de Villèle et dues, l’une et l’autre, à l’habileté administrative de M. le marquis d’Audiffret.

En somme, si l’Angleterre a eu la première un système budgétaire régulier, c’est en France que l’idée même du budget paraît avoir pris naissance ; et depuis le commencement de ce siècle, c’est en France également que les véritables principes de la matière ont été le plus nettement formulés et le plus fidèlement suivis. M. Thiers, dans sa longue carrière politique, a eu plus d’une fois l’occasion de les exposer et de les défendre. Sa lumineuse éloquence n’a pas peu contribué à les vulgariser (V. THIERS). . Rôle économique du budget. Le budget et la politique. Influence du budget sur l’état économique de la nation.

D’une nation à l’autre, les budgets présentent entre eux de notables différences. Le budget d’un État démocratique ne ressemble pas à celui d’une monarchie absolue ou d’une oligarchie, celui d’un pays fortement centralisé à celui d’une confédération d’États ou d’une union de plusieurs royaumes, celui d’une grande puissance militaire à celui d’un État neutre, celui d’une nation en pleine prospérité à celui d’un pays pauvre, celui d’un pays neuf à celui d’un peuple ayant derrière lui un long et onéreux passé de gloires et de revers.

Chacun porte l’empreinte des institutions, du génie, des mœurs, des tendances, de la situation particulière du peuple auquel il est destiné. Tous, en même temps, subissent l’influence des idées et des passions dominantes à l’époque de leur établissement. Un budget peut être révolutionnaire ou conservateur, jacobin ou libéral, belliqueux ou pacifique. En un mot, le budget intéresse, embrasse et résume tous les actes de la vie politique et administrative et c’est à raison de cette universalité que la discussion générale du budget fournit souvent aux Assemblées, surtout à celles qui ne jouissent pas de la plénitude des libertés parlementaires, l’occasion d’examiner et de discuter dans son ensemble la politique générale du gouvernement. Mais si le budget reflète exactement l’état social et politique de la nation, il exerce, en retour, une influence directe sur ses destinées. De la sagesse avec laquelle il est établi, de l’exactitude et de la régularité qui président à son exécution dépend l’ordre dans les finances, cet élément de puissance et de prospérité, dont l’importance n’a été méconnue d’aucun homme d’État digne de ce nom. Un des mérites d’Henri IV et de Louis XIV est d’avoir donné et conservé leur confiance. à Sully et à Colbert. Napoléon entrait, avec ses. ministres, Mollien et Gaudin, dans tous les détails de l’administration financière et se montrait aussi ménager des écus du Trésor impérial que prodigue, à l’occasion, du sang de ses soldats. Le grand Frédéric savait tout ce quela grandeur naissante de sa maison devait à. l’économie brutale du Roi sergent, de cet étrange monarque qui répondait aux demandes de fonds par des facéties ornées de solécismes, et il s’est attaché durant son règneà suivre la tradition paternelle. Une sage politique financière n’est pas seulement efficace par le judicieux emploi qu’elle donne aux ressources de l’État ; elle a encore pour résultat de consolider le crédit public qui est devenu de nos jours, en même temps que le véritable nerf de la guerre, l’instrument des. grandes œuvres de la paix (V. CRÉDIT PUBLIC). Mais c’est surtout dans l’ordre économique que s’exerce cette influence.

Le budget est le champ de bataille naturel de ceux qui cherchent à faire triompher les doctrines du socialisme d’État ou de ceux qui veulent assurer à tout prix la protection du travail national contre les partisans de la liberté économique, qui tendent, en limitant l’action de l’État, à développer l’essor del’activité individuelle (V. SOCIALISME D’ÉTAT, PROTECTIONNISME).

En dehors de cette influence consciente et préméditée, il en est une autre qui s’exerce indépendamment de la volonté de ceux qui participent à la confection des lois de finances. Une machine qui broie des milliards ne peut mettre en jeu ses rouages, aussi puissants que compliqués, sans imprimer un mouvement tantôt salutaire, tantôt défavorable, mais toujours sensible à l’ensemble de la fortune publique (V. FORTUNE DE L’ÉTAT). Le prélèvement opéré sur le revenu net de la nation atteint, dans tous les pays d’Europe.