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pôts annuels, et que les grandes pement des relations internationales l’aide des impôts annuels, et que les grandes entreprises, auxquelles ne suffiraitpas la fortune d’un ou de plusieurs individus, se procurent les ressources nécessaires. ] Grâce au jeu de la spéculation, qui est tan- ] tôt engagée la hausse tantôt à la baisse, les détenteurs de capitaux disponibles y trouvent un placement temporaire sur nantissement de titres et les détenteurs de titres une occasion de les prêter contre payement d’une bonification.

La Bourse augmente considérablement la valeur de certaines entreprises, en permettant de fractionner et de mobiliser des parts de propriété dans des affaires industrielles ou financières. Sans la Bourse, les chemins de fer, le canal de Suez, le Crédit foncier et tant d’autres institutions qui ont rendu des services publics importants eussent été impossibles. Il faut reconnaître aussi par contre que, sansla facilité avec laquelle les États se procurent, grâce à la Bourse, des sommes énormes, les grandes guerres du xixe siècle eussent été difficiles à entreprendre et à continuer.

On peut dire que dans l’ensemble de la cote de la Bourse se reflète la situation économique et politique non seulement du pays, mais d’un continent tout entier ; que la cote donne le langage chiffré des événements. qu’elle est même la prévision de l’avenir. Au fur et à mesure que les communications et les échanges sont devenus plus intenses, que la quantité des titres offerts au public a augmenté, il s’est créé une catégorie de fonds Étal, et de valeurs industrielles qui ont rencontré des marchés sur plusieurs places du monde. Les capitalistes d’un pays, désireux de répartir le risque inhérent à toute propriété mobilière, désireux en même temps de relever le rendement de leur portefeuille par l’achat de titres à plus gros intérêts, ont acheté des valeurs internationales, c’est-àdire dont la négociation n’est pas limitée au marché indigène.

La spéculation trouvait là une matière plus étendue et plus variée pour ses opérations. Elle a pu profiter non seulement des opérations sur la place même, mais des écarts de prix entre les différentes places. Tandis que le petit public bornait ses achats aux fonds d’État étrangers, les banquiers et les spéculateurs, grâce à l’abondance et à la facilité des communications, sont allés opérer dans les grands centres financiers de l’Europe et de l’Amérique et ne se sontpas bornés à des transactions sur les valeurs cotées à différentes places, mais ils ont opéré sur les grandes valeurs industrielles ou de crédit, traitées uniquement dans une place éloignée. Ce dévelop-BOURSE

pement des relations internationales sur le terrain du commerce financier a eu pour résultat de créer une véritable solidarité entre les diverses Bourses, solidarité qui se traduit parune action continue des Bourses les unes sur les autres. Une crise éclatant à Berlin, par exemple, a son contre-coup immédiat à Paris, Londres et New-York. Berlin cherche alors non seulement à vendre à l’étranger des valeurs internationales possédées en Allemagne, mais encore la spéculation berlinoise se met à la baisse à l’étranger. La sensibilité résultant de cette solidarité est même devenue extrême. Chaque Bourse adopte, en effet, un titre spécial comme objet principal de la spéculation. Ce titre sert en quelque sorte de baromètre au marché et, suivant qu’il est en faveur ou négligé, le reste de la cote en est influencé. L’anomalie suivante peut se produire.

L’action du Crédit mobilier autrichien a servi pendant longtemps de baromètre à la Bourse de Vienne et de Berlin, parce que de tout temps la spéculation allemande s’est intéressée aux actions du Crédit mobilier autrichien. Pour un motif ou pour un autre, par exemple par suite d’un vol dans les caisses du Crédit mobilierautrichien, l’action de celui-ci est telégraphiée en baisse à Berlin où il en résulte une impression mauvaise. Les spéculateurs berlinois se mettent à vendre de tout indistinctement et le rouble, bien innocent cependant du vol commis à Vienne, fléchit dans la faiblesse générale. On la télégraphie à Saint-Péterbourg, où la baisse du rouble fait de nouveau progrès et se répercute à Paris et à Londres.

En France, c’est la rente 3 p. 100 qui sert de baromètre ; en Angleterre, les consolidés ; en Allemagne, les actions de la société d’Escompte de Berlin et les Ronds russes. Très souvent la spéculation internationale se porte sur une valeur determinée dont les fluctuations jouent alors un rôle prépondérant. La création de valeurs internationales cotées à différentes Bourses a pour effet d’amener des flux et des reflux de titres, des courants qui échappent à l’œil du statisticien et qui modifient singulièrement la balance des payements qu’un pays doit ou reçoit. Ces mouvements de titres constituent une véritable exportation et importation qui, en dehors du revenu des sommes placées à l’étranger, expliquent comment un pays semble toujours en apparence être le débiteur des autres,tandis qu’il est en réalité leur créancier. A côté de ce tableau de l’importance considérable actuelle de la Bourse, il est bon de rappeler, pour faire une comparaison utile, ce qu’était la Bourse il y a un siècle.