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Désormais, c’est par l’action partie d’en haut que s’accomplira le progrès du tiers, et encore plus sans doute par le mouvement déjà donné au travail et à la richesse. Richelieu fitde grandes choses pour la bourgeoisie, en voulant servir la royauté ; le service immense, mais indirect, qu’il rendit à celle-là comme à celle-ci s’exprime surtout d’un mot : il abaissa la féodalité. On sait assez que ce tendre et profond amour du peuple qui anima d’autres hommes d’État anima peu cette âme altière. Pourtant ce grand ministre fut loin de demeurer étranger au sentiment des besoins du tiers état. Il proclama et fit proclamer par une assemblée de notables, tout entière à sa dévotion, que l’assiette de l’impôt doit être telle que les classes qui produisent et qui souffrent n’en soient pas grevées et que l’industrie et le commerce, principaux ressorts delà prospérité nationale, doivent être de plus en plus tenus à honneur. L’ordonnance de 1629, connue sous le nom de Code Michau, qui sortit de cette assemblée, consacra plus d’une amélioration féconde. Le tiers, en 1614, avait demandé l’abolition des corvées abusives et des banalités sans titre elle l’accorda. Timide dans la plupart des satisfactions qu’elle accorda aux autres demandes, elle décréta aussi que les petits marchands mêmes pourraient prendre le titre de nobles et, en conviant les gentilshommes à se livrer au commerce maritime ou à tout autre, elle déclara qu’ils ne dérogeraient pas à leur noblesse par cette occupation. Le travail s’était à grand’peine relevé des mépris d’une vaniteuse ignorance on entrevoit déjà le temps où le mépris ne s’attachera plus qu’à l’oisiveté. Richelieu par sa part directe et personnelle contribua surtout à honorer le travail intellectuel, celui des lettres, qui n’avait guère été jusque-là moins avili que tous les autres. Titres ineffaçables pour ce .grand homme d’État aux yeux de la bourgeoisie, sans compter le titre à jamais glorieux de sa politique extérieure. Pourtant ajoutons que dans sa préoccupation légitime et opportune, mais ici exagérée, d’unité administrative, il mit le pied sur les vieilles

libertés municipales. Leurs antiques franchises, maintenues dans leur totalité, n’eussent été qu’un obstacle à la liberté générale qui exigeait l’unité, mais avec Richelieu commença l’excès ; il devait s’accroître sous Louis XIV et plus tard.

Pêle-mêle de nobles et de bourgeois, de princes du sanget de magistrats municipaux, de parlementaires et de gens du peuple, agitation stérile pour leprogrès politique et pour les réformes sociales, la Fronde éleva des ,barricades sans renverser aucun abus et mit BOURGEOISIE 220 BOURGEOISIE

mais, c’est par l’action partie d’en aux prises des prétentions, non des d : aux prises des prétentions, non des droits Elle n’est qu’un épisode romanesque dans’ l’histoire sérieuse de la bourgeoisie. Le règne de Louis XIV futle triomphe de la royauté préparant le triomphe du tiers état. Colbert ; c’est la bourgeoisie au pouvoir, non plus, il faut le regretter, se conformant àla voix des États de 1614, réclamant l’adoucissement du régime des jurandes etaspirant à la liberté du travail, mais la bourgeoisie usant de ce principe d’autorité qui avait fini t par tout conquérir et tout soumettre, et le faisant servir à l’accroissement financier, industriel et commercial de la France. La fatale guerre de Hollande et la révocation de l’édit de Nantes, qui vint en partie détruire l’œuvre de l’infatigable ministre, marquent douloureusement dans l’histoire économique de la bourgeoisie. La guerre de Hollande pesa sur elle de tout le poids d’un impôt énorme. La révocation de l’édit de Nantes chassa du sol français toute une population d’hommes actifs, probes, attachés aux professions industrielles et commerciales par la malveillance même du pouvoir qui les écartait des fonctions publiques. La France laborieuse sembla comme frappée au cœur par cette émigration d’ouvriers, de capitalistes, de négociants, d’inventeurs. Toute la seconde partie de ce règne, si fécond durant la première, fut pour le tiers état tout entier comme un temps d’épreuve. « Vos peuples meurent de faim, écrivait Fénelon dans une de ses courageuses lettres à Louis XIV. La culture des terres est presque abandonnée ; les villes et la campagne se dépeuplent tous les métiers languissent et ne nourrissent plus les ouvriers. Tout commerce est anéanti. Vous avez détruit la moitié des forces réelles du dedans de votre État pour faire et pour défendre de vaines conquêtes au dehors. Le peuple même (il faut tout vous dire). est plein d’aigreur et de désespoir. La sédition s’allume peu à peu de toutes parts H. Vauban écrit aussi dans sa Dîme royale (Collect. des principaux économistes, t. I, p. 34) « J’ai fort bien remarqué que, dans ces derniers temps, près de la dixième partie du peuple est réduite à la mendicité et mendie effectivement ; que des neuf autres parties il y en a cinq qui ne sont pas en état de faire l’aumône à celle-là, parce qu’eux-mêmes sont réduits à très peu de chose près à cette malheureuse condition que des quatre autres parties qui restent trois sont fort malaisées et embarrassées de dettes et de procès, et que dans la dixième où je mets tous les gens d’épée, de robe, ecclésiastiques et laïques, toute la noblesse haute, la noblesse distinguée et les gens en charge mi-