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des autres dans la fraternité d’une même tant de différence qu’entre le maîl vance et sous le drapeau d’un même parti. valet ». tins des autres dans la fraternité d’une même t croyance et sous le drapeau d’un même parti. La Ligue surtout avait associé étroitement et jeté pêle-mêle dans ses conseils l’artisan et le magistrat, le petit marchand et le grand seigneur ; l’union dissoute, les conciliabules fermés, il en resta quelque chose dans l’âme de ceux qui retournèrent alors à la vie de boutique ou d’atelier, un sentiment de force et de dignité personnelle qu’ils transmirent à leurs enfants ».

Nous voici à la dernière tenue des États généraux convoqués en 1614, à la majorité de Louis XIII, dissous en 1615, et remplacés désormais par l’action politique des parlements jusqu’à la révolution française. Jamais encore cette aspiration vers la liberté industrielle et vers l’unité commerciale n’avait si visiblement éclaté. Jamais vœux plus conformes à la vérité économique n’avaient encore été consignés dans les cahiers du tiers état. Ce qu’il y a de libéral et de généreux dans son esprit éclate d’abord au sujet du droit de la paulette, droit annuel mis par le fisc sur tous les offices de judicature et de finance ; cette taxe en échange de laquelle ils étaient rendus héréditaires, élevant à des taux inconnus jusqu’alors la valeur vénale des offices, avait pour effet de les concentrer dans les mains de la riche bourgeoisie. De là la première et violente collision entre la bourgeoisie et la noblesse, et des signes de jalousie et d’hostilité, des susceptibilités réciproques de cérémonial qui ne faisaient que préluder. Contre son intérêt le tiers état adhéra à la demande de suspension de la taxe moyennant laquelle les offices étaient héréditaires. S’avançant plus loin, il proposa d’abolir toute vénalité, et pour que les autres ordres eussent aussi leur part de sacrifice, de surseoir aux pensions dont le chiffre avait doublé depuis la mort de Henri IV et de réduire les tailles devenues accablantes pour le peuple. Les deux autres ordres éludèrent, puis refusèrent. Le lieutenant général de la sénéchaussée d’Auvergne, Jean Savaron, député du tiers, prenant plusieurs fois la parole, dit en propres termes « C’est pour le peuple que nous travaillons, c’est contre nos propres intérêts que nous combattons ». Devant le roi il traça une pathétique peinture de la misère des habitants des campagnes. Et comme l’orateur de la bourgeoisie avait osé dire que la France était une famille de frères dont le clergé et la noblesse étaient les aînés, le tiers état le cadet, il y eut grande rumeur et indignation, et plainte par devant le roi. « Nous ne voulons pas que des fils de cordonniers et de savetiers nous appellent frères, dit le baron de Senecey ; il y a de nous à eux autant de différence qu’entre le maître et le valet".

Mais, au sujet de ce glorieux échec du tiers état et de celui qu’il éprouvait encore relativement aux affaires ecclésiastiques, presque tout Paris prenant sa défense le vengeait en répétant ce quatrain

noblesse, ô clergé, les aînés de la France, 

Puisque l’honneur du roi si mal vous maintenez, Puisque le tiers état en ce point vous devance, Il faut que vos cadets deviennent vos aînés. Et en effet le tiers les devançait à un point qui maintenant encore nous frappe d’étonnement et d’admiration pour tout l’ensemble des réformes qu’il réclamait avec un redoublement d’énergie. Voici quels sont les vœux économiques des cahiers de 1614. Nous nous bornons à les énumérer. Le tiers y demande que les professions soumises depuis l’année 1576 au régime des maîtrises et jurandes puissent s’exercer librement ; que tous les édits en vertu desquels on lève des deniers sur les artisans, à raison de leur industrie, soient révoqués, etque touteslettres de maîtrises accordées comme faveurs decour soient déclarées nulles ; que les marchands et artisans, soit de métier formant corporation, soit de tout autre, ne payent aucun droit pour être reçus maîtres, lever boutique, ou toute autre chose de leur profession que tous les monopoles commerciaux ou industriels soient abolis ; que les douanes de province à province soient supprimées et que tous les bureaux de perception soient transférés aux frontières. De tels faits prouvent à la fois et contre ceux qui accusent la bourgeoisie dans le passé d’un esprit d’égoïsme étroit, et contre ceux qui regardent la révolution de 89 comme un fait sans antécédents et sans racines. Les parlements furent la seule représentation, à dater de 1615, de la bourgeoisie francaise. Il demeure certain, quand on compare leurs remontrances avec les vœux des États généraux, qu’ils furent bien loin d’en être la représentation complète, et que bien des aspirations fermentaient dans les masses dont ils ne tinrent nul compte. Le parlement de Paris, qui devint comme le second pouvoir de l’État, n’a attaché son nom à aucune de ces réformes sociales, à aucune même de ces tentatives comme celles que nous venons de rappeler, qui recommandent à jamais un corps politique à la gratitude de l’histoire. Les libertés gallicanes dont on lui fait généralement honneur avaient elles-mêmes trouvé, bien avant lui, d’énergiques soutiens, soit dans les rois, soit dans les États. Au point de 3 vue économique son action est nulle, et plus tard sa résistance fut fatale.,