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distillerie, les orges et houblons La production industrielle des boiss livrés à la distillerie, les orges et houblons et la brasserie, les fruits à presser et à distiller, le tout produisant 1,900,000 hectolitres d’alcools, 8 millions d’hectolitres de bières, 12 millions d’hectolitres de cidres et poirés. Tous nos départements, sans exception, ont 1 leurpart dans cette large répartition des produits du sol.

Les vins et les cidres sont fabriqués en règle par les récoltants, qui se trouvent ainsi doublement touchés par le régime des boissons. En premier lieu, le poids des taxes peut réduire la consommation et, par voie de conséquence, avilir la valeur des terres en capital et eh revenu. En second lieu, les l mesures de contrôle du fisc, si elles sont rigoureuses, créent pour le récoltant une situation plus ou moins gênante, pénible même s’il est soumis à l’assujettissement de l’exer- ] cice.

En France, avec le système actuel, les impôts généraux et locaux sont relativement élevés, sans aller cependant jusqu’à affecter sérieusement la consommation mais on peut dire que les formalités de contrôle à la circulation sont pour le producteur une source de difficultés et d’ennuis, une gêne l permanente à son exploitation. L’agriculture réclamera donc toujours un régime qui joigne à la modération des taxes la libre circulation des produits. Mais elle se heurte alors aux nécessités fiscales, dont nous parlerons bientôt. ]

Si le régime des boissons est susceptible de léser les intérêts agricoles, on peut aussi l’employer comme un moyen de protection indirecte. C’est ainsi qu’en France, dans son organisation douanière intérieure ou conventionnelle, l’administration s’est toujours efforcée de développer l’exportation des vins et eaux-de-vie, avec l’intention arrêtée de favoriser, en dernière analyse, la production. En Allemagne, M. de Bismarck a organisé tout un système propre à développer l’industrie des alcools de pomme de terre et, par suite, la culture de ce tubercule, le produit le plus riche des sables du Brandebourg. De plus, en matière agricole, tout se tient étroitement. L’extension des cultures pousse à l’amélioration des procédés, à la hausse des rendements, à la multiplication du bétail. ; à ce dernier point de vue, nos distilleries de betteraves permettent dans le nord une extension considérable de l’élevage par l’emploi des déchets de fabrication. Il résulte de ces faits la naissance d’une large catégorie d’intérêts dérivés qu’il est impossible de négliger quand il est question de toucher dans un sens ou dans l’autre à la condition fiscale des boissons. La production industrielle des boissons ne s’appliquaitjadis qu’aux alcools et auxbières ; les nécessités du moment l’ont étendue aux vins par l’emploi des raisins secs. Elle se subdivise en deux branches bien distinctes la fabrication en grand, et la fabrication domestique, accessoire le plus souvent d’une exploitatiou agricole.

L’industrie des alcools est devenue considérable chez nous depuis 1860 ou à peu près. La production a dépassé dans la décade 1860-70 douze cent mille hectolitres d’alcool pur ; elle approche aujourd’hui de deux millions d’hectolitres. Le nombre des usines dépasse 2,300 (1885), concentrées principalement dans les régions du nord et de l’ouest. C’est donc là une branche intéressante de la production, quand on la considère au seul point de vue économique. Or, la fabrication des alcools est soumise au régime le plus rigoureux, celui de la réglementation préventive de l’outillage et des opérations, complétée par une surveillance permanente exercée sur le travail, sur les produits en magasin et sur la circulation.

Ce contrôle de tous les instants, nécessité par l’élévation des taxes qui frappent les alcools (156 fr. 25 par hectolitre d’alcool pur), est évidemment draconien. Pourtant nous ne pouvons le blâmer, à cause de la nature du produit, et nous ne voyons, parmi les nombreuses combinaisons proposées pour le remplacer, aucun systême qui lui soit préférable. Les distillateurs vivent en somme sans difficultés sérieuses côte à côte avec une administration qui les traite avec tous les ménagements possibles (ils le reconnaissent eux-mêmes) et sous un régime qui, au fond, leur rend un service éminent. Les exigences du contrôle préviennent en effet, dans bien des cas, l’établissement despetites distilleries, et il en résulte un certain degré de monopole au profit des grandes usines. C’est là, à leur point de vue, une compensation qui doit entrer en ligne de compte.

La question se présente sous un autre aspect encore celui des applications industrielles de l’alcool, qui sont nombreuses et assez importantes pour mériter un régime spécial, le régime de la dénaturation par un mélange capable de rendre le liquide impropre à la consommation de bouche. Ce régime n’est pas excellent ; il nécessite des formalités gênantes, qui ne réussissent pas toujours à prévenir la fraude. En outre, l’impôt maintenu sur cette catégorie d’alcools reste relativement élevé et en restreint l’emploi comme matière première. C’est encore là une grave difficulté de la situation actuelle. En ce qui regarde les fabriques de vins de