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BILLET DE BANQUE 195 BILLET DE BANQUE n est essentiellement variable. Les exis- ainsi que la Banque de France a le monopole tion est essentiellement variable. Les existences métalliques augmentent ou diminuent sans cesse par l’effet d’importations et d’exportations successives, qui sont provoquées

elles-mêmes par la multiplication et l’accélération ou par la réduction et le ralentissement des échanges. Mais il y a dans le stock métallique une portion irréductible en fait, un minimum qui n’est jamais entamé, une sorte de fonds de creuset, une réserve qui ne sort jamais du pays. C’est cette partie de la circulation métallique qne l’on peut emprunter et dont on peut disposer pour un temps illimité en la remplaçant par des billets de banque.

Il y a grand intérêt à le faire non seulement pou.r les banques, qui profitent directement de l’emprunt, mais aussi pourla communauté tout entière. En effet, l’usage de la monnaie n’est pas gratuit ; les encaisses métalliques, qu’il est nécessaire de conserver pour procéder à des échanges au comptant ou pour solder des échanges à terme, sont détournées du travail de la production et ne rapportent en conséquence aucun intérêt. Supposez qu’une partie de ce numéraire immobilisé et stérile puisse être remplacée dans les caisses par des promesses de payer, on pourra l’employer dans les affaires, la transformer en capital productif.

La fonction du billet de banque ne se borne pas à un remplacement, sommes pour sommes, du numeraire par des promesses de payer. La circulation de papier est beaucoup plus élastique que la circulation métallique. La seconde peut à la vérité s’augmenter par des importations, si l’activité des échanges l’exige ; encore un certain délai est-il ici nécessaire. Au contraire,l’émission des billets de banque suit pas à pas le progrès des affaires. Au fur et à mesure que de nouvelles lettres de change, représentatives de nouvelles opérations commerciales, sont présentées à l’escompte, la

Banque d’émission trouve dans la souscription de nouveaux billets les moyens de satisfaire aux besoins du commerce. La création d’une telle banque produit ainsi des effets analogues à la découverte d’une mine d’or nouvelle. Elle permet d’accroltre le fonds de roulement de la nation et, par là, d’étendre et de multiplier les opérations de son commerce et de son industrie1.

Cette mine d’or a été rarement laissée à la discrétion des particuliers. Le plus souvent l’État s’en est emparé au nom du public et l’a concédée à de grandes compagnies. C’est 1. C’est sur ces idées, justes en principe, mais dont il exagérait les conséquences pratiques, que Law avait fondé sa fameuse banque. qui devait, selon lui, proportionner constamment ses émissions de billets aux besoins du marché. ainsi que la Banque de France a le monopole de l’émission des billets payables au porteur et à vue. Mais ni la nature du billet de banque ni sa fonction ne sont modifiées par cette circonstance.

La somme des émissions de billets de banque varie constamment aux époques de

grande activité commerciale. Lorsque, par suite de l’extension des affaires, des lettres de change plus nombreuses sont créées et présentées à l’escompte, le montant de la circulation, pour employer le terme usité, dépasse de beaucoup le chiffre de l’encaisse conservée parles banques. On conçoit d’ailleurs que les banques ne cherchent pas à limiter le montant de leur circulation au montant de leur encaisse ; elles se priveraient, en suivant cette règle de conduite, du bénéfice de l’emprunt gratuit qu’elles font à la circulation par l’émission des billets. Aussi tout au contraire, lorsque leur encaisse est en voie d’augmentation, elles cherchent à multiplier leurs escomptes et elles sont ainsi amenées à développer leur circulation.

Ce développement n’est pas sans dangers. Les sommes dont la banque se reconnaît débitrice vis-à-vis du public par l’émission des billets ne sont pas dans ses caisses, au moins pour la majeure partie. La banque a disposé de son numéraire au profit du commerce. Le gage de la circulation n’est pas dans l’encaisse, mais dans le portefeuille ; or, ce gage n’est pas liquide. Cependant le billet de banque est remboursable à vue. La banque se trouverait fort empêchée s’il lui fallait rembourser tout d’un coup la totalité des billets qu’elle a émis.

On voit que la mine d’or de la circulation doit être exploitée avec prudence et qu’il ne faut par dépasser certaines limites. Ces limites, la législation a souvent prétendu les fixer (V. BANQUE, §§ 6,12,18). Ainsi, en Angleterre, le Bank charter act de 1844 interdit toute émission supérieure aumontant cumulé des valeurs reçues par la Banque en dépôts, en titres, en lingots et en espèces, augmenté d’une somme d’abord fixée à 14 millions sterlings et qui est aujourd’hui de 16,200,000 livres. Ce chiffre de 14 millions fut choisi par le législateur parce que le minimum de la circulation avait été en 1839 de 14,739,000 livres. On pensa, en 1844, que pour laisser quelque élasticité à la circulation, on pouvait autoriser la Banque à émettre des billets sans couverture jusqu’à concurrence de cette somme. Les 14 millions de livres ont été portés à 16,200,000 livres à la suite de la cession à la Banque d’Angleterre par diverses banques et. de la perte par d’autres banques des privilèges d’émission que leur avait laissés l’Acte de