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BENTHAM 183 BENTHAM

ne fut pas toujours aussi bien inspiré. Pour Bentham ne cessa de travailler jusqu’à son Il nefut pas toujours aussi bien inspiré. Pour certains écrits il faudrait presque un dictionnaire. D’ailleurs il composa un vocabulaire explicatif des termes nouveaux dont il s’était servi dans sa Chrestomathie.

Il exposa dans ce travail ses idées sur l’éducation. On songea un moment à les mettre en pratique. Bentham offrit son jardin pour y bâtir une école. Il avait le plus vif désir d’appliquer ses idées et de contribuer par ses efforts au bonheur général.

Il avait conçu aussi le projet d’une réforme du régime prénitentiaire. Il expliqua sa théorie dans plusieurs écrits le Panoptique, view of the Hard Labour Bill, Panopticon versus new South wales, etc. Pendant vingt ans ce fut une préoccupation constante. Il eut un moment l’espoir de pouvoir appliquer son système. Il engagea toute sa fortune pour l’achat de terrains et frais de toutes sortes. On finit par lui rendre les sommes qu’il avait déboursées, mais il éprouva toujours une vive douleur de n’avoir pu améliorer le sort des prisonniers. La plupart des réformes modernes dans le traitement des criminels ont été effectuées dans la direction indiquée par lui. Il en est de même pour la réforme de la loi des pauvres. Les réformateurs de 1834 s’inspirèrent des idées exposées par Bentham en 1797 dans la Situation des indigents. Mais Bentham aurait voulu voir appliquer son programme de son vivant et il s’adressa à divers États pour leur donner des codes. Ces propositions ne furent pas acceptées. Toutefois Bentham jouissait d’une grande renommée à l’étranger. En 1792, l’Assemblée nationale lui accorda le titre de citoyen français. Il répondit à cet honneur en plaidant la cause des émigrés. Il adressa à la Convention une brochure Émancipez vos colonies. C’est le conseil qu’il donnait à ses concitoyens avec aussi peu de succès.

Il avait écrit la Tactique des assemblées délibérantes pour être utile à la France. Mais les États géneraux s’assemblèrent avant que le travail fût terminé Il fit la réfutation de la déclaration des droits de l’homme, qui parut sous le titre de Sophismes anarchiques. C’est la suite du traité sur les Sophismes, politiques où Bentham dévoile tous les sophismes que les hommes inventent pour défendre une mauvaise cause.

Tout en se montrant implacable pour les doctrines fausses, Bentham, presque seul en Angleterre, ne se laissa pas gagner par la folle reaction qui entraîna la plupart de ses compatriotes à l’égard de la France. Il garda jusqu’à la fin sa sympathie pour sa seconde patrie. Un de ses derniers écrits est une lettre au peuple français après la révolution de 1830. Bentham ne cessa de travailler jusqu’à son dernier jour. « Je suis vivant, écrivait-il à l’amiral Mordoenoff, j’ai quatre-vingts ans passés, mais je suis bien portant et gai, et codifiant comme un dragon. »

Il mourut à quatre-vingt-quatre ans. Il avait désiré que son corps fût porté à l’amphithéâtre de dissection, pour être utile à ses concitoyens même après sa mort. Les Œuvres complètes de Bentham ont été publiés en Angleterre par Bowring (1843). L’éditeur a écrit une biographie de Bentham. Ces onze gros volumes ne reproduisent pas tout ce que Bentham a écrit. Parmi les travaux omis, on peut citer l’Eglise en Angleterre (1817), Not Paul but Jesus, un livre sur la Réforme de l’Eglise (1831). Bien des manuscrits de Bentham n’ont pas été publiés. L’édition complète de Dumont a paru en 1829. Une édition plus complète encore a paru en t840. Elle contient la Déontologie. La Déontologie, ou Science dela morale, est presque autant l’œuvre de Bowring que de Bentham. Bowring ne trouva dans les papiers de son ami que des fragments qu’il réunit et arran.gea à sa façon.

Depuis la mort de Bentham, sa doctrine a triomphé des préjugés et ses compatriotes lui rendent pleine justice.

Un savant jurisconsulte anglais a dit de ses écrits « qu’ils ont eu sur la législation anglaise une influence pratique comparable à celle qu’exerça Adam Smith sur le commerce». « Il trouva la philosophie de la législation un chaos, il en fit une science », dit J.-S. Mill dans la remarquable étude qu’il lui a consacrée.

On trouve une bibliographie complète des écrits de Bentham dans la Staatwissenchaft de von Mohl, vol. III et dans le Dictionnaire biographique de M. Leslie Stephen, vol. IV. SOPHIE RAFFALOVICH.

SYSTÈME DE BENTHAM. Lorsque la tendance générale, lorsque la « directrice » qui se dégage de l’enseignement ou des écrits d’un philosophe peut s’appeler d’un nom qui ne soit pas tiré du nom même de ce philosophe, et lorsque l’objet de l’enseignement se trouve comme condensé et exprimé dans ce nom, l’auteur a laissé après lui plus qu’une doctrine et une méthode ; il a laissé un système. L’aristotélisme et le platonicisme sont des doctrines le cartésianisme est une méthode, l’utilitarisme ou l’utilitarianisme est un système. Ce système est celui de Bentham.

Le point de départ de Bentham est celuici L’homme agit sous l’influence de deux sensations, qui sont, en dernière analyse, les deux mobiles de son activité le plaisir et