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elle échéance. Mais en faisant cela, les font de gros profits en élevant le ou telle échéance. Mais en faisant cela, les banques divulgueraient les opérations de leurs clients, ce dont elles doivent se garder. D’un autre côté, elles n’offriraient au public que des valeurs dissemblables de coupures et d’échéances qui ne sauraient attirer beaucoup de capitaux.

Pourquoi, a-t-on dit aussi, les banques privilégiées n’émettent-elles pas des billets portant intérêt et payables à différents termes ? C’est que de tels billets ne pourraient servir au commerce pour l’escompte de son papier comme des billets au porteur et à vue. En effet, ces billets s’emploient au lieu d’espèces, parce qu’ils sont échangeables à volonté contre des espèces, et parce qu’ils ont une valeur fixe ; en les donnant ou en les recevant, on n’a pas à faire des calculs d’intérêts. Trois autres moyens ont été proposés pour éviter de hausser l’escompte ce serait de refuser une partie des demandes, ou de n’en admettre qu’à des échéances plus courtes que les trois mois d’usage, ou de fixer le taux de l’escompte en proportion avec la longueur des échéances. Là encore se rencontreraient plusieurs inconvénients.

Il vaut mieux payer cher l’escompte que d’en être absolument privé quand on en a besoin. Trier entre les demandes, ce serait nuire au crédit des commerçants éconduits, permettre à des liaisons ou à des inimitiés personnelles d’influer sur les choix, en tout cas donner matière à des soupçons et à des plaintes. En restreignant subitement l’escompte à de courtes échéances, on pourrait obliger à s’arrêter des commerçants et des industriels qu’une surcharge d’un ou deux p. 100 d’intérêt n’empêcherait pas de marcher. Quant à la graduation du .taux de l’escompte selon la longueur des échéances, sur quelle base fixerait-on ce taux pour une échéance plus ou moins éloignée lorsqu’on ne possède des éléments que pour la fixation du taux du jour ? Du papier à longue échéance pourrait être traité avec une rigueur inutile dans un temps où le capital abonderait et, dans les moments de crise où il importe de maintenir l’encaisse, il pourrait se présenter en grande quantité du papier à courte échéance qu’il n’y aurait pas de raison pour repousser. D’ailleurs, les commerçants pourraient faire des billets et lettres de change à courte échéance, puis la prolonger par un renouvellement ; l’encaisse n’en serait pas mieux assurée.

Reste l’idée d’attribuer à l’État les bénéfices de l’escompte qui dépasseraient un certain taux. C’est une concession à cette autreidée fausse quelesbanques privilégiées font de gros profits en élevant le taux de l’escompte à leur gré. Si le monopole est nécessaire, comme on le dit, il ne s’ensuit nullement que l’État ait raison d’en tirer des profits. C’est établir une solidarité qu’au contraire il importe d’éviter. Supposez qu’on soit fondé à reprocher aux banques privilégiées de faire des bénéfices au détriment du commerce et de l’industrie, ou qu’on puisse craindre qu’ils n’en fassent dans une mesure exagérée, est-ce empêcher cet abus que d’y faire participer l’État ? Le commerce et l’industrie en payent-ils moins cher les escomptes. Si l’on veut absolument ne pas

laisser à ces banques la libre disposition de leurs profits, il vaut mieux leur prescrire d’ajouter au fonds social ou au fonds de réserve les profits qui dépassent un certain taux.

Après avoir passé en revue les différents points que l’émission des billets au porteur et à vue offre à l’examen, nous devons ajouter qu’aujourd’hui une partie de ces points n’a plus autant d’importance que dans le passé. Les discussions et l’expérience ont apporté des lumières qui ont dissipé des préjugés et des idées fausses. On est revenu de plus d’un jugement hasardé ou trop absolu sur le monopole et la liberté de l’émission. On a mieux aperçu qu’il y a des deux côtés des avantages et des inconvénients ; que si l’unité a gagné du terrain, elle en est moins redevable à une réelle supériorité de mérite qu’à des influences morales et politiques. Ainsi, la situation financière de l’Autriche et de la Russie leur rend nécessaire l’assistance d’une grande banque d’émission, et dans la phase critique que traversent les peuples du continent de l’Europe, les gou-, vernements attachent un grand intérêt à avoir sous la main des établissements de crédit prêts à leur servir de moyen de défense aux jours de danger.

Mais la question se trouve modifiée dans son ensemble par un fait qui se manifeste depuis 1870, c’est que l’émission des billets au porteur et à vue est passée de la période d’accroissement à la période de déclin. De même que jadis la création des banques d’émission amena un progrès considérable dans la distribution du crédit, de nos jours ont surgi leur à tour de nouveaux instruments plus simples et plus sûrs que les billets au porteur. Ce sont les compensations de comptes par virements et

par chèques, ainsi que les mandats postaux, dont l’usage prévaut maintenant dans la Grande-Bretagne et dans l’Union américaine. On en retire un double avantage les opérations sont simplifiées et les banques n’ont