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nplir avec de grandes banques attendu qu’elles ne peuvent pas, comme ces peuvent se remplir avec de grandes banques privilégiées par les raisons indiquées. Les banques privilégiées sont favorisées par la liaison d’intérêts qui se forme entre elles et les gouvernements. Ces rapports ne présentent point d’inconvénient quand il ne s’agit que de certaines opérations de trésorerie ou d’avances renfermées dans de sages limites il est même avantageux que l’État puisse recourir à l’assistance d’une banque lorsqu’il est appelé à se défendre contre un ennemi extérieur ou intérieur, ou à réparer quelque grand désastre. Mais quand les gouvernements se font remettre le capital des

banques ou se font faire par elles indéfiniment des avances pour exécuter à leur gré telles ou telles entreprises, ou pour remédier à une mauvaise situation financière, l’abus se déclare avec les funestes conséquences indiquées ci-dessus. L’assistance d’une banque d’émission érigée en élément permanent des finances de l’État est vicieuseau suprême degré. L’Etat et la banque se trouvent obligés solidairement en cas d’embarras causés par la faute de l’un ou de l’autre. D’ailleurs, les prêts faits à l’État sont autant de ressources détournées de l’objet spécial pour lequel les banques sont créées et doivent fonctionner, qui est de seconder les efforts du commerce et de l’industrie.

Dans un pays encore peu familiarisé avec la monnaie fiduciaire, il peut être bon qu’une banque offre au public la garantie d’un capital placé aussi sûrement que possible en dehors de ses affaires, par exemple en rentes sur l’Etat ; mais lorsqu’une banque possède la confiance du public, le capital peut servir de moyen d’action autant que de moyen de garantie, et il n’offre pas plus de sûreté lorsqu’il est placé en rentes sur l’État que lorsqu’il l’est en bon papier de commerce. Dans les moments de crise, les créances et les rentes sur l’État ne sont pas aisément réalisables, tandis que les fonds employés en escomptes rentrent successivement dans de courts délais et entretiennent l’encaisse. Une banque dont le capital est immobilisé possède bien une encaisse métallique ; mais cette encaisse ne lui appartient pas pour la plus grande partie ; et si une crise vient à multiplier les demandes de remboursement de

billets et de dépôts, la banque peut se trouver promptement dans l’embarras. Son capital, a-t-on dit, serait sans efficacité devant la masse d’effets de commerce qui pourrait se présenter vaut-il donc mieux qu’elle ne l’ait pas du tout ?

Les banques privilégiées ne peuvent attirer dans la circulation les capitaux flottants ou inactifs aussi bien que les banques multiples, attendu qu’elles ne peuvent pas, comme ces dernières, payer un intérêt sur les dépôts. Une autre raison est qu’on ne saurait attendre d’une banque investie du monopole de l’émission d’aussi grands efforts pour développer le crédit, que d’une pluralité de banques fonctionnant à leurs risques et périls et stimulées par la concurrence.

Avec des banques multiples, il ne peut être aussi facile qu’avec des banques uniques de restreindre la circulation fiduciaire dès l’instant que le cours du change signale la nécessité de le faire. Sauf cette différence, les crises ne sont pas moins à redouter avec les unes qu’avec les autres. Les banques suivent toutes le mouvement des affaires ; elles le facilitent par des escomptes et par des avances tant qu’elles en ontlemoyen, et quand ellesvoient leur encaisse baisser sous l’influence du change qui devient défavorable, elles restreignent ou arrêtent leur crédit. Qu’elles soient uniques ou multiples, elles ne sont pas plus responsables des crises les unes que les autres. En effet, ces accidents ne proviennent pas d’excès dans les émissions : 1° parce que les banques ne peuvent mettre et tenir en circulation plus de billets que la situation du marché n’en comporte ; 2° parce qu’il entre dans la circulation une quantité beaucoup plus considérable d’effets de commerce, lettres de change et billets de complaisance dont l’excès est plutôt la cause des catastrophes. Mais on n’est pas dans le vrai quand on attribue aux banques multiples l’avantage de pouvoir prévenir les crises en se surveillant mutuellement, en se partageant les chances de sinistre, en se prêtant du secours. On n’a jamais vu, sauf en Écosse les banques, régler d’accord leurs opérations ; et, même en Écosse, cet accord n’a pas empêché en 1857 deux énormes faillites de se produire. Partout ailleurs les banques multiples opèrent chacune à part soi, faisant le plus d’affaires possible. Chacune, quand le crédit s’ébranle, se met sur la défensive ; les plus solides se maintiennent ou se relèvent après avoir faibli ; les autres succombent. Si elles ont en bloc une plus grande somme de capitaux et encaisses que les banques uniques, cette somme n’en est pas moins divisée et inégalement répartie ; les risques et les dommages ne se partagent pas. L’emploi d’une banque privilégiée comme caissier de l’Etat n’est pas aussi avantageux qu’on l’a supposé. La banque ne peut percevoir les revenus, surveiller les gestions financières, vérifier les pièces comptables ; elle ne peut qu’encaisser les sommes versées chez elle par les agents du Trésor. Quant aux dépenses, il faut que les agents du Trésor en constatent la régularité et autorisent la ban-