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pas l’émission, a-t-on dit d’un ver auprès des banquiers ; ce que la limite qui doit être tenue en rapport avec na permettait pas Ce n’est pas l’émission, a-t-on dit d’un autre côté, qui doit être tenue en rapport avec l’encaisse ; c’est plutôt l’inverse qui doit avoir lieu, puisque l’encaisse doit faire face aux besoins. Et l’on a ajouté avec raison que pour juger de la somme à laquelle doit s’élever l’encaisse, il faut tenir compte, non seulement des billets émis, mais encore des dépôts et des comptes-courants sur lesquels les banques peuvent être requises de faire des remboursements à tout instant. Il n’y a pas moins sujet de craindre les inconvénients indiqués ci-dessus.

La fixation du montant de l’encaisse au tiers du montant des billets émis, laquelle est assez commune, est purement arbitraire ; elle ne repose sur aucun principe constant. « On ne peut pas plus fixer de limite au rapport de l’encaisse vis-à-vis des billets, a dit Victor Bonnet, qu’on n’en peut fixer au crédit lui-même ; ce rapport est susceptible de varier selon les pays et, dans le même pays, selon les époques. Aujourd’hui des trois quarts, demain de la moitié, après-demain du tiers, il peut descendre plus bas encore, si l’état général du crédit le comporte. Ce n’est pas la proportion plus ou moins forte de la réserve métallique qui constitue à proprement parler la garantie de la circulation fiduciaire, mais la presque certitude que l’on a, d’après les habitudes du pays, d’après l’état du crédit, que la quantité flottante des billets au porteur, celle qui peut se présenter au remboursement, ne dépassera pas telle proportion et qu’une réserve métallique égale à cette proportion est complètement suffisante. C’est là la règle fondamentale et il n’y en a pas d’autre1. »

Jusqu’en 1870, la France fut le seul pays où il n’y eût aucune restriction imposée à la circulation des billets [au porteur. La Banque pouvait en émettre autant qu’elle voulait, ou plutôt qu’elle pouvait, sans avoir égard à son encaisse ni à son capital social. Elle n’était tenue qu’à une chose, à rembourser ses billets à vue et en espèces. Lorsque le cours forcé arriva, l’émission fut limitée successivement à différentes sommes jusqu’à la

fin de 1877, époque où la Banque recommença à rembourser tous les billets en espèces. En 1884, le gouvernement proposa de rendre expressément à la Banque la faculté ,de fixer à volonté, comme antérieurement, le montant des billets à mettre en circulation. Le véritable motif était le désir qu’avait le gouvernement de pouvoir négocier à la Banque des obligations à court terme à un taux d’intérêt plus avantageux que celui qu’il pouvait trou1. Le crédit et les banques d’émission, p. 122. ver auprès des banquiers ; ce que la limite ne permettait pas.

t La proposition rencontra à la Chambre des 3 députés l’objection que voici : « On peut bien admettre en principe que les besoins effectifs t des échanges et la confiance du public consi tituent la véritable limite de l’émission. Mais s pour que ce principe ne soit pas faussé dans s l’application, il faudrait que le ministre des finances s’abstînt rigoureusement, en temps L normal, de toute opération de négociation s de valeurs du Trésor à la Banque. Or, il n’en est pas ainsi. L’abolition de la limite d’émission des billets de banque pourrait permettre de donner à des opérations de ce genre une extension abusive. Le retour à la liberté de l’émission des billets ne pourrait se faire sans inconvénient qu’à la condition d’avoir t pour corollaire l’interdiction au ministre des finances de faire avec la Banque toute opération non autorisée par la loi. » Il se fit un accommodement ; la limite, fixée en 1872 à trois milliards 200 millions, fut élevée de 300 millions, et l’on dit pour colorer cette déviation que c’était « en vue de parer aux nécessités de l’escompte du papier de commerce qui peuvent se produire à l’occasion des règlements de fin d’année ». Devant le Sénat, M. Léon Say reprit la défense de la liberté de l’émission. « On craint, dit-il notamment, que la circulation ne soit mise en péril par les entraînements du public et par ceux de l’Etat. Le seul moyen de se mettre en garde contre les premiers est d’avoir une circulation saine, c’est de posséder une bonne monnaie exportable sans aucune perte, de la monnaie qui soit une marchandise internationale. La Banque est chargée par la loi de veiller à la circulation comment ? En recherchant constamment les périls qu e peuvent amener les changements qui surviennent dans le cours du commerce et dans les relations internationales. Le cours des changes est le baromètre de la circulation. Dès lors la question que doivent se poser les banques, c’est simplement comment elles peuvent maintenir le cours des changes. Les banques ne peuvent maintenir le cours des changes qu’en appelant les capitaux de l’extérieur, en déterminant leur importation dans le pays ; et elles ne peuvent appeler des capitaux étrangers dans un pays qui en manque, qu’en élevant le taux de l’escompte.

« Tout est là, parce que la question de savoir si le pays peut consommer 350, 400 ou 500 millions de billets de banque est une question insoluble. La quantité de billets de banque que peut absorber un pays varie constamment. Une année, un mois, un jour,