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ère première qui lui est fournie et de la matière première qui lui est fournie et dans la mesure de cette matière. Et ce qui est vrai du crédit l’est aussi du billet de banque qui est un de ses instruments. Pas plus qu’avec les autres, le crédit ne crée du capital avec le billet de banque t. » « En émettant pour un million de billets, avait dit, avant Horn, Elie Gauthier, une banque n’engendre nullement un capital nouveau ; elle met seulement dans la circulation un million qu’elle a dans ses caisses ou dans ses portefeuilles, en or, en argent, ou en effets de commerce, et qui sans cette émission demeurerait inactif. Lorsqu’un billet est émis avec une couverture métallique, il est bien évident qu’il n’y a pas l’ombre d’une création ou d’une augmentation de capital.Dans le cas où l’émission dépasse la réserve métallique, la banque ne crée pas plus du capital en ne livrant pas encore la contre-valeur en espèces que si lalivraison s’effectuaitimmédiatement. En remettant à un client des billets à découvert, elle le met à même de se faire livrer telle ou telle portion de la richesse sociale, comme si elle lui remettait le montant en espèces sonnantes. Elle opère simplement un transfert de propriété 2. »

L’économiste Mac Leod n’a pas voulu se rendre à ces raisons. Il a soutenu que lorsqu’une banque d’Écosse remet à découvert à un cultivateur mille livres sterling en billets au moyen desquels celui-ci perfectionne son exploitation, « les mille livres sterling que la banque a tirées de rien ont agi aussi efficacement qu’auraient pu agir mille souverains d’or ; c’est donc un capital bien réel que la banque a créé par cette émission ». Horn a montré le peu de solidité de ce raisonnement. « Supposons, a-t-il dit, que le cultivateur jouisse d’un bon crédit, il se procure à terme les objets qu’il désire, il souscrit des billets aux fournisseurs, et ceux-ci les portent à la banque qui les escompte. Il n’y a pas là l’ombre d’une création de capital ; il n’y a qu’une action translatrice. Maintenant, supposons que le cultivateur ne puisse se procurer à crédit les mêmes objets et qu’il inspire assez de confiance à la banque pour qu’elle lui avance la somme nécessaire. C’est comme si elle invitait les fournisseurs à livrer au cultivateur les objets dont il a besoin, en les assurant qu’ils pourraient en toucher chez elle le montant à toute heure. Or, que la banque paye les fournisseurs en escomptant les effets, ou qu’elle les paye en pourvoyant le cultivateur de ses billets à elle, il n’y a toujours qu’une action translatrice 3. »

. La liberté des banques, p. 241. . Encyclopédie du droit, t. II, va Banques. . La liberté des banques, p. 251. . Limites naturelles de l’émission. La pluralité des banques d’émission a été accusée d’occasionner des désastres en multipliant à l’excès les billets au porteur. Il faudrait pour cela qu’il dépendît de ces banques d’introduire et de maintenir dans la circulation autant de billets qu’il leur plairait. Or, « vouloir n’est pas tout, a dit Horn, il faut pouvoir. Pour faire circuler des engagements payables au porteur et à vue, il ne suffit pas d’un émetteur, il faut un acceptant. Que dis-je ? un acceptant ! Il faut des centaines d’acceptants contre un émetteur. Qu’il me plaise d’écrire ou d’imprimer sur un carré longitudinal de papier « A vue je payerai au présentateur la somme de mille francs en espèces », mon créancier, mon fournisseur ne l’acceptera point en guise des espèces que je lui dois, à moins qu’il n’ait la certitude que ses créanciers, ses fournisseurs, le lui reprendront en guise d’espèces ; ils ne le feront guère, s’ils ne savent qu’ils pourront, eux aussi, s’en servir de la même façon, et ainsi de suite 1. »

Adam Smith avait déjà dit « Si une banque émettait plus de papier que n’en pourrait tenir employé la circulation du pays, l’excédent lui reviendrait sans cesse à remboursement. Il faudrait qu’elle augmentàt

son encaisse, non seulement en proportion de ce surcroît d’émission surabondante, mais dans une proportion de vitesse beaucoup plus grande que l’excès de leur quantité. Il faudrait que cette banque fît, pour remplir sa caisse, des efforts de dépense, non seulement plus grands, mais encore plus constants que si elle se fût tenue dans des bornes plus raisonnables 2. »

M. Courcelle-Seneuil a fait une démonstration plus savante etplus rigoureuse. « Les effets de l’émission des billets de banque sur la circulation monétaire, a-t-il dit, ne sont pas autres que ceux de l’émission d’un papier-monnaie. En supposant qu’avant les

émissions le marché possédàt une quantité suffisante de monnaie métallique, les billets de banque viennent s’aj outer à cette quantité alors, il y a plus de, monnaie que le marché n’en demande ; sa valeur baisse, et on a intérêt à fondre ou exporter la monnaie métallique jusqu’à concurrence d’une somme égale à celle des billets émis. Donc on fond ou on exporte cette monnaie, et en admettant que la banque ne cesse pas d’émettre, la totalité de la monnaie métallique, sauf la quantité nécessaire au payement des appoints, peut 1. La liberté des banques, p. 386. . Richesse des nations, liv. II, chap. 2.