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nauté. Et je comprends qu’aux stipulations générales régissant ces associations on veuille ajouter des stipulations s’appliquant particulièrement aux sociétés qui usent de l’émission fiduciaire. En sus de l’intérêt des associés et de l’intérêt des personnes qui contractent avec la société, il y a ici à s’occuper d’un troisième élément la clientèle indirecte et, jusqu’à un certain point involontaire, le public preneur de billets ; on peut croire utile de venir en aide à son bon vouloir, de lui faciliter la confiance sans laquelle le billet ne saurait circuler1. » M. Courcelle-Seneuil aussi, en demandant la liberté des banques, a expliqué sa pensée en ces termes « Nous raisonnons comme si les directeurs des banques étaient exactement responsables sur leurs biens des résultats de leur gestion, ainsi que les banquiers particuliers etla généralité des commerçants ; mais chacun sait que dans un grand nombre de cas la responsabilité de ces directeurs n’est ni aussi directe ni aussi efficace, et qu’ils peuvent avoir des intérêts opposés à ceux des banques. C’est ce que l’on voit lorsque les banques sont constituées par sociétés anonymes. Les directeurs peuvent venir eux-mêmes, comme présentateurs d’effets à l’escompte, prendre les fonds de la Banque et les placer dans leurs affaires personnelles ils peuvent aussi faire escompter par la Banque le papier de leurs plus mauvais débiteurs et réaliser par ce moyen leurs pires créances, ou enfin engager dans des spéculations toujours hasardées les capitaux dont la gestion leur est confiée 2. » M. Courcelle-Seneuil a admis en conséquence que la

loi prescrivît certaines mesures de précaution. Les divergences d’opinion sur cette matière se sont manifestées de temps à autre à l’occasion des vicissitudes par lesquelles a passé le crédit. Chaque parti a soutenu sa cause en invoquant les faits qui pouvaient la servir. Le système de la liberté absolue a perdu du terrain sans que cependant ses défenseurs aient désarmé ; celui du monopole en a gagné sans que ses partisans aient réussi à en démontrer victorieusement la supériorité celui de la pluralité réglementée s’est à peu près maintenu sur ses positions. La question reste donc ouverte à l’examen. S. Causes de la diversité des législations. L’aperçu historique, sous forme de monographie des banques d’émission qui forme la seconde partie de cet article, montre que l’emploi des billets remboursables au porteur et à vue s’est établi et réglé dans les différents 1. La liberté des banques, p. 389 et 415. . Traité d’économie politique, t. I, p. 344. pays, non pas uniformément, d’après les principes généraux résultant d’études approfondies, mais diversement, d’après les circonstances morales, économiques et politiques. Tantôt un pays se trouva trop peu avancé dans la pratique de la circulation fiduciaire pour que des capitalistes consentissent d’euxmêmes à former en s’associant de grandes banques d’émission qui profitassent au public autant qu’à eux-mêmes il fallut, pour les y décider, que le gouvernement leur conférât deux avantages celui d’émettre seuls des billets au porteur, et celui de n’être responsables de leurs opérations que jusqu’à concurrence de leur participation dans le fonds social, au lieu de l’être solidairement et indéfiniment sur tous leurs biens, selon le droit commun. Tantôt un gouvernement créa une banque d’émission privilégiée, soit pour obtenir d’elle, en récompense, des prêts ou autres services utiles ou nécessaires aux finances de l’État, soit pour se faire un instrument de crédit au moyen duquel il pût suppléer à l’insuffisance de ses ressources par des émissions de papier-monnaie.

Dans d’autres pays, où l’utilité de la circulation fiduciaire fut mieux appréciée et où la pratique s’en répandit plus naturellement, des banques d’émission se formèrent spontanément par l’impulsion de l’intérêt privé ; elles fonctionnèrent, soit sous l’empire du droit commun, c’est-à-dire avec la libre concurrence et la responsabilité illimitée, soit avec la responsabilité limitée, mais à condition de remplir des obligations spéciales, prescrites par l’autorité et destinées principalement à assurer le remboursement des billets.

L’unité est préférée dans un pays comme la France, où règnent l’esprit de centralisation, l’unité de gouvernement et le recours à l’action de l’État ; elle répugne au contraire à un pays comme l’Union américaine, où domine l’activité individuelle. La pluralité des banques d’émission peut être imposée par la constitution, comme en Suisse et en Italie. Elle n’empêche pas le gouvernement d’obtenir, en cas de besoin, l’assistance, soit de toutes les banques, soit d’une ou de plusieurs d’entre elles ; mais les gouvernements européens trouvent plus commode

d’avoir sous la main une grande banque privilégiée. La pleine liberté exista en Ecosse pendant une centaine d’années ; en France, sous le Directoire ; dans un État de l’Union américaine, le Rhode-Island, jusqu’en 1863, et dans les provinces de l’Angleterre, en dehors d’un rayon autour de Londres, jusqu’en 1844. Aux États-Unis, survinrent des crises où