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cette épargne féconde ; ces procédés sont la mise en productivité des capitaux formés et leur accroissement par la capitalisatïon des intérêts ou produits. Mais d’autre part, elle use de procédés particuliers d’où elle tire son caractère propre. Nous connaissons les moyens spéciaux auxquels elle doit recourir pour atteindre son but, spécial aussi, de compensation des effets du hasard. Et d’abord celui-ci, que le chiffre d’épargne à apporter par chaque coparticipant n’est pas facultatif, mais fixé d’avance ; et nous savons que ce chiffre est dans un certain rapport avec l’importance et la probabilité de la participation de chacun. De plus, cette épargne est aliénée par celui qui la verse et devient la propriété de la mutualité ou de l’entrepreneur d’assurance. Enfin, une solidarité est établie entre les coparticipants ou, en d’autres termes, un droit éventuel est donné à chacun d’eux sur le fonds de l’épargne collective. Ainsi organisée, l’assurance doit être classée au nombre des institutions d’épargne, sans pouvoir être confondue avec aucune autre.

L’assurance n’est pas seulement un mécanisme recueillant et solidarisant les épargnes, elle est encore un stimulant de l’épargne. Elle a ce caractère, en ce qu’elle offre à la prévoyance, avec un but précis, la certitude, l’assurance d’atteindre ce but. Elle facilite l’épargne en la régularisant. Elle la rend persévérante par les avantages qui s’attachent à la continuité des opérations et par l’influence de l’engagement pris, du contrat signé, qui, bien que réservant la liberté de l’assuré, le rendent moins accessible au découragement ou à l’inconstance. Une grande partie des éléments quel’assurance recueille ne seraient pas épargnés ou le seraient avec moins de suite sans l’attraction produite par l’efficacité du procédé, et sont ainsi plutôt soustraits à la consommation qu’à la production. Puisés dans la circulation ils lui sont aussitôt rendus sous forme de placements ou d’indemnités.

La valeur de l’épargne ainsi provoquée et recueillie, ou plus exactement, l’utilité de l’emploi qui en est fait neparait pas contestable. Logiquement, il faut réparer ses pertes avant de songer à augmenter son avoir de même, il faut parer aux frais de maladie, d’accident, de chômage, de vieillesse avant de penserà fonder un patrimoine. Il est à remarquer que l’assurance forme plus de capitaux que le hasard n’en consomme. Les incendies par exemple ne détruisent en France que 45 à 50 p. 100 des capitaux réunis par les compagnies dans cette branche d’assurance. L’institution fonctionne donc pour l’excédent comme un sim ple mécanisme accumulateur rgne féconde ; ces procédés sont la b. L’assurance et le crédit. Les relation productivité des capitaux formés de l’assurance avec le crédit ne sont pi ccroissement par la capitalisatïon moins étroites. Après s’être appuyée si

b. L’assurance et le crédit. — Les relations de l’assurance avec le crédit ne sont pas moins étroites. Après s’être appuyée sur l’épargne, l’assurance fonctionne par le crédit. Dans nombre d’assurances, l’assureur calcule ses primes sous déduction de l’escompte à l’intérêt composé et doit, par suite, s’ingénier à leur faire produire un intérêt au moins égal à celui qui a servi de base à ses calculs. Il doit faire fructifier les capitaux qu’il réunit, comme un banquier les fonds qui lui sont déposés et, comme lui, se livrer à des opérations de crédit, à des prêts, des placements et conduire ses opérations d’après les principes spéciaux aux banques, non d’après la méthode du simple capitaliste. Il lui faut, en effet, chercher à la fois une rémunération assez élevée pour ses capitaux, des placements assez sûrs et, pour une partie d’entre eux, une suffisante mobilité, des facilités de réalisation qui lui permettent de faire face aux accidents imprévus, aux catastrophes soudaines. Notons encore que les sociétés d’assurance placent en fonds publics une partie de leurs capitaux ; toujours à la recherche de placements avantageux, elles absorbent une notable quantité des émissions des fonds d’État, et ainsi elles ne sont pas sans influence sur le crédit public.

Ces considérations déduites du fonctionnement même de l’assurance ne suffisent pas encore àexposer dans son ampleur le véritable rôle économique de l’institution. On peut, en considérant ses résultats, s’élever à des vues plus générales et découvrir des effets d’une plus haute portée.

L’assurance est, avec le crédit, dans d’autres relations, plus lointaines peut-être et moins apparentes, mais plus étendues, plus importantes aussi que celles provenant des capitaux qu’elle réunit et livre à l’activité économique. Le capital humain peut servir de base au crédit, mais les capitaux réels en sont la base la plus large : plus est cautionis in re quam in persona. En reconstituant par avance la contre-partie du capital qu’elle protège, l’assurance rétablit la valeur intégrale du gage. Le risque qui pèse sur tous ces capitaux diminue leur valeur comme gage et restreint le crédit qui peut être fait sur ces gages. Il est difficile de mesurer dans quelles vastes proportions la pratique universelle de l’assurance a reculé les limites que les hasards mettaient à l’extension du crédit. Son champ de développement s’élargira encore de tout ce qui pourra être dérobé au domaine de la fortune.

c. L’assurance et la production. — La sécurité est presque aussi nécessaire au développement de la production qu’à celui du