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sons toutes les tâches, nous relevons toutes les conditions, nous encourageons toutes les énergies. Vous avez succombé sous les efforts de concurrents plus habiles arrivé trop tôt à une situation trop lourde vous n’avez pas pu en porter le poids. Vous étiez chef d’industrie vous voici ouvrier. Consolez-vous et espérez votre rôle peut être encore considérable. Soyez bon ouvrier ; les bons ouvriers font les bons patrons ; les bons patrons, les industries prospères ; les industries prospères, les nations puissantes. Le pays peut vous devoir beaucoup. Et plus tard vos fils, formés par vous, et gravissant un par un les échelons que vous aviez trop vite escaladés, pourront reprendre et garder la place où vous étiez monté prématurément.

Voilà les nobles enseignements de l’école de la liberté et ces enseignements là, nous ne les désapprendrons jamais.

Un jour, un étranger, qui a occupé dans sa patrie les plus hautes situations, vint demander à l’un de nos maîtres de lui enseigner l’économie politique. « Et, lui dit-il, l’économie politique libérale ; que je sois à même de répondre à mes adversaires tous s’en vont en Allemagne apprendre la religion de l’État ; moi, je suis venu en France apprendre la liberté. »

C’est pour les esprits comme le sien que ce dictionnaire a été conçu et exécuté.

Toutefois, étroitement attachés aux idées de liberté et persuadés de la justesse des doctrines de l’école libérale dans leur ensemble, nous n’avons jamais poussé le respect jusqu’à la superstition. Des faits nouveaux ont surgi qui ont influencé nos théories. Malthus ne retrouverait plus intacte chez nous sa loi de la population J.-B. Say nous estimerait bien tièdes dans la lutte contre l’État et la défense des droits de l’individu ; les économistes qui ont préparé la Révolution s’indigneraient de notre indulgence pour l’association et les anciens adversaires des Compagnies coloniales de notre tendresse pour les colonies ; enfin Adam Smith s’inquiéterait de voir notre économie politique si compréhensive, tandis que nos glorieux physiocrates se demanderaient jusqu’où nous l’avons ravalée pour n’en plus faire qu’une des parties dont se compose la science sociale, laquelle n’est elle-même qu’une des parties de leur philosophie.

Les doctrines de l’école libérale, nous les avons donc maintenues, mais non pas dans leur intégrité. Nous en avons corrigé ce qui nous a paru des erreurs et modéré ce qui nous a paru des exagérations.

Si nous avions tenu compte non plus seulement des faits, mais encore du pur mouvement scientifique, nous eussions pu faire davantage. Un certain nombre de nos théories ont été, depuis quelque temps, discutées et combattues en France et surtout à l’étranger. Nous citerons la théorie du capital, la théorie de la valeur, les notions fondamentales de la richesse, la théorie de la répartition ou, comme nous disons dans un langage que nous croyons plus scientifique, de l’appropriation des richesses, etc. Sur ces diverses questions, il a été écrit des ouvrages ingénieux. Nous aurions pu, quelques-uns diront que nous aurions dû, en tenir compte. Nous ne l’avons pas fait, et voici pourquoi. Les ouvrages dont nous venons de parler et les théories qu’ils renferment s’adressent à des savants, et non pas aux lecteurs d’un dictionnaire, lequel n’est, après tout, qu’une œuvre de vulgarisation. Il y a, dans la position des ques-