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ration scientifique en laquelle se résout toute opération d’assurance.

Rappelons que le but est de fractionner en un certain nombre d’éléments prévus et fixés d’avance les effets d’un dommage incertain. On sait que la valeur actuelle d’un capital à terme est moindre que sa valeur nominale et qu’elle peut être calculée par rapport à celle-ci par une opération appelée escompte ; la différence entre les deux valeurs sera plus grande encore si l’existence de ce capital est subordonnée à l’événement d’une condition aléatoire. Le calcul des probabilités est appelé à donner le moyen de déterminer la valeur certaine d’un capital aléatoire. L’assurance applique ce procédé aux pertes pouvant résulter de cas fortuits. Le dommage à réparer est une valeur à terme, soumise à un élément d’incertitude soit dans sa quotité, soit dans son échéance, soit même dans son exigibilité ; elle le réduit de sa valeur nominale à sa valeur réelle et actuelle c’est là l’opération fondamentale qui constitue essentiellement l’assurance. Dans sa notion scientifique, l’opération d’assurance est donc la transformation d’un dommage possible en sa valeur actuelle, en raison de son importance et de sa probabilité. Cette opération se pratique généralement en vertu d’un contrat intervenu entre une ou plusieurs personnes assureur s’obligeant à faire cette transformation au profit d’autres personnes assuré.

On verra plus loin que l’opération d’assurance n’est susceptible d’une application utile que si elle est faite simultanément pour un grand nombre de dommages possibles de même nature. Un certain nombre de valeurs étant réunies, chacune subit un prélèvement égal à la valeur actuelle du dommage auquel elle est exposée ; la somme de ces prélèvements servira à faire la compensation des dommages occasionnés par le sinistre prévu on procède donc par une solidarisation des valeurs relativement au risque et l’on aboutit à une mise en commun des pertes. Ainsi envisagée dans son résultat, l’assurance est la répartition entre plusieurs valeurs assujetties à un même risque, chacune pour une partie en rapport avec son risque, des diminutions éprouvées par celles que frappe le sinistre dont elle a pour but de ,neutraliser les effets.

Cette vue est conforme aux résultats économiques de l’assurance, mais elle offre l’inconvénient de ne pas mettre en relief le mobile de prévoyance qui est l’origine et la raison d’être de l’assurance. Nous préférons donc considérer l’assurance sous sa forme la plus habituelle d’institution sociale comportant la réunion d’un grand nombre de personnes soumises à un risque de même nature ; chacune verse dans un fonds commun une somme égale à la valeur actuelle du dommage auquel elle est exposée ; le capital ainsi constitué est affecté à la compensation des pertes éprouvées par ceux des coparticipants qu’atteint le sinistre prévu. On peut ainsi considérer l’assurance comme fonctionnant par l’association d’un grand nombre d’efforts individuels ; elle n’est plus seulement un organisme dont l’action toute passive se bornerait à une répartition des pertes, son rôle devient plus actif provoquer l’épargne et lui assigner un but, fixer la part de chacun dans l’œuvre commune selon les règles d’une juste proportionnalité, recueillir ces éléments épars pour en former des capitaux et rétablir dans leur intégrité les patrimoines frappés par le sort. Nous sommes ici en présence d’un mécanisme de concentration de fonds d’épargne et de reconstitution de capitaux. C’est sous cette forme d’association que l’assurance produit les effets qu’on est en droit d’en attendre ; elle revêt alors le triple caractère d’une institution de prévoyance, d’une organisation financière et d’une force économique douée d’un pouvoir énergique de réparation.

Comme conclusion à ces considérations générales et pour réunir dans une vue d’ensemble les différents aspects que nous venons d’examiner, nous dirons que l’assurance est la reconstitution, prévoyante et rendue facile par un fractionnement fondé sur les lois de la probabilité, des valeurs détruites par l’effet de circonstances impossibles à déterminer d’avance.

II. BASE SCIENTIFIQUE DE L’ASSURANCE. 2. Nécessité d’une base de prévision.

L’opération d’assurance telle que nous l’avons définie, c’est-à-dire la transformation en une valeur actuelle et certaine d’une valeur éventuelle, suppose une évaluation préalable de la valeur qui doit être transformée.

La science, notamment la statistique, fournit à l’assureur le moyen de mesurer avec une suffisante précision l’importance des chances auquelles il se soumet. Nous aurons l’occasion, en étudiant la technique de l’assurance, de voir comment se pratique cette opération préliminaire. Bornons-nous ici à constater la nécessité d’y procéder d’une façon raisonnée, c’est-à-dire suivant une méthode ayant pour base des principes certains.

L’appréciation scientifique de l’éventualité emprunte ses principes à la théorie de la probabilité et sa méthode à la statistique. Jetons-y un rapide coup d’œil.