Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

porter le cadavre. Le corps de la morte avait la fermeté d’un bloc de granit. Elle était si lourde qu’ils ne purent même pas la bouger. L’incommodité d’assurer une prise correcte dans la cage étroite du lit rendait l’enlèvement difficile. Il eût fallu pouvoir passer par derrière : les panneaux en défendaient l’accès. Ils promirent qu’ils reviendraient au soir, avec un palan. Mais quand ils s’étaient approchés du lit, une main très fine et délicate, et pâle, vite comme un éclair, la main chargée de bagues, avait tiré le rideau et tous, le prêtre compris, s’étaient éloignés en tremblant.

Hono rentrait chaque soir de la mer, la tête en feu, les bras couverts de plaies ; et, verrouillant les portes, au désespoir de la vieille affolée, il célébrait ses noces avec la dame, riant et chantant jusqu’au jour.

À force de l’embrasser, il avait usé ses lèvres contre ses lèvres à elle et sa bouche ne formait plus qu’un trou noir de sang.

Et Barba dit comment la vieille avait été chassée de chez elle par la volonté de l’intruse et la fin tragique d’Hono, qui, tous les soirs, avait ramené dans sa maison ces rochers a formes humaines qui peuplent les grèves et qu’il avait dressés comme des gardes, comme une