Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intéressés sont toujours sensibles. C’était précisément le cas d’un soldat qui avait séduit une Ouessantine. Mais le curé avait compté sans la malice du colonial. Deux mariages devaient avoir lieu le même jour : une noce entre indigènes, d’abord, celle du militaire ensuite. Les deux cortèges attendaient sur la place de l’église, et quand les cloches s’ébranlèrent pour la célébration du premier office, le soldat et sa suite se précipitèrent dans l’église à l’improviste et s’installèrent au banc des mariages. Par crainte d’un scandale, on n’osa point les expulser ; ils esquivèrent ainsi l’opprobre à laquelle on les condamnait.

Plusieurs, parmi les amies des sœurs Postoun, applaudissaient au mauvais tour de l’étranger. La plupart blâmaient, avec des mots de révolte, l’ostracisme du recteur. Elles s’insurgeaient aussi contre ces baptêmes d’enfants naturels, administrés comme honteusement, à la nuit tombante, et qui semblaient devoir infliger, dès l’aurore de leur vie, une flétrissure à de pauvres petits innocents.

Un esprit nouveau s’infiltrait dans l’île : la cure n’en tenait aucun compte, bravement, et se manifestait réactionnaire à l’excès.

Jeanne Poulbrac citait l’exemple des filles