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du garde-champêtre. C’était la corvée des routes, travail d’arrière-saison qu’on exécute au moment des loisirs d’automne et dont les plus riches peuvent se libérer en acquittant une dispense. Elles accomplissaient leur besogne sans hâte, sous le ciel gris. De fort loin on entendait le bruit des masses qui sectionnaient un granit friable et un chant très doux et plaintif, en langue française, un vieux chant, non point particulier au pays, mais dont l’air et le rythme avaient été dénaturés par des générations d’îliennes.

Lorsqu’elle eût donné la laine à sa parente, Barba entraîna son ami dans la lande, vers Porz Ligodou. De ce point élevé de la côte, on apercevait Bannec et Balanec, et puis, Molène, presque irréelle, dans l’horizon opaque et ramassé.

— Regarde la mouliguen, fit soudain Barba, en désignant une jeune femme vêtue à la façon du continent et qui surveillait son enfant, une fillette habillée en Ouessantine. Et elle ajouta, un peu méprisante : — Elle ne sait pas parler le breton.

— Mariée avec un Ouessantin ?

Barba fit un signe de tête affirmatif.

— Tu vois ces trois maisons, la première