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— Payer ? Ah ! ça ?… tu crois donc que tout s’achète chez nous ?… Mais personne n’accepterait de l’argent pour honorer les morts. Ce sont des voisines qui prennent soin du tombeau de l’Anglaise. Ce serait moi, si quelque défunt oublié reposait près des miens… Et je soignerais aussi ta tombe, mon ami, si tu étais enterré à Ouessant, j’y planterais des fleurs… et cela, même si je ne t’avais pas connu.

— D’ailleurs, ajouta-t-elle, la tombe de l’Anglaise est si belle que c’est plaisir.

Et Barba, toute à ses souvenirs, rappela d’autres enterrements analogues à celui de la jeune lady qu’on avait trouvée à la pointe de Veilgoz, ses bras raidis tenant encore contre son sein glacé le cadavre de sa fillette. Et ç’avait été vers l’enfant, surtout, qu’avaient jailli les sympathies émues des Ouessantines. Pour habiller la petite morte, elles s’étaient disputées à qui donnerait ce qu’elles avaient de plus beau dans leurs coffres. Et comme il avait fallu un nom qui permît d’évoquer sa mémoire, pendant les causeries des veillées, on avait baptisé Coisic (Françoise) la petite exilée pour toujours.

Mais on approchait la maison Stéphan. Dans le village silencieux de Kergoff, une porte était grande ouverte sur la pénombre d’un logis.