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amour du gain qui, ailleurs, sont la raison de se cramponner à l’existence, la dernière illusion des vieux et des solitaires. Ici, le travail n’est qu’un accident de la journée. Et cette inutile et précieuse obstination des déshérités lui manqua.

Elle connut des hommes, parbleu ! Des marins en congé et des coloniaux qui la courtisèrent. Même, elle vécut quelque temps en amitié avec un pêcheur. Mais c’étaient là des choses sans conséquence. Quand elle rencontra Engel, son grand cœur pensa revivre. Car il était pareil à elle, un vaincu, un désabusé, lui aussi. Et elle espéra l’attacher par ce rêve raisonnable de finir leurs jours ensemble.

Et puis, un soir, pris de boisson, il avait jeté un sous-officier à la porte d’un débit et on l’avait envoyé à Nantes pour passer en jugement. Ils s’étaient quittés sans inquiétude. Elle croyait bien qu’il serait acquitté. Il le fut. Mais il ne revint jamais à Ouessant.


Et moi qui connaissais Engel, je ne pouvais pas croire que ç’avait été par malice ou par dédain qu’il avait fait ainsi des promesses pour ne les point tenir. Non. Il n’avait d’abord pas écrit par paresse. Et puis, une fois revenu à Brest,