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alourdi par les sommeils du jour dans les chambrées, sans respect pour ses chefs, sauf les vieux, « les vieux du corps », dont il parlait avec tendresse, il coupait à toutes les gardes, à toutes les corvées, affirmant que « ce n’était pas pour lui ».

Bien souvent, en fumant mon tabac, il m’avait raconté ses états de service et comment il avait gagné la médaille ; sa vie de petit troupier, comme il disait, et son séjour à la Légion, car il avait seulement passé à la coloniale pour terminer son temps, tout en douce, à la papa.

Engel était Lorrain. Et, sans doute, il avait reçu une bonne éducation, étant fils d’officier. Mais il avait pompé tous les vices au fond des verres, dans l’inaction des camps, dans les casernes et pis ; et las, inapte à tout, sauf au métier qu’il allait quitter, il n’était plus que le souvenir de son passé, heureux d’avoir vécu, d’avoir été « un homme », et il ne souhaitait plus, maintenant, que de trouver un petit poste, un emploi tranquille où finir ses jours, en mangeant paisiblement sa retraite, avec une femme.

Même, il m’avait demandé de lui chercher cela, une femme et un emploi. Il disait d’ailleurs n’être pas en peine, parce qu’il était le protégé du capitaine Planque, qu’il avait arraché, blessé,