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temps et soulever une inextricable énigme. Aucun de ceux qui ont essayé de connaître la vérité là-dessus n’y est jamais parvenu : on ne sait et on ne saura jamais rien. Et le plus curieux de cette affaire, en somme, c’est la personnalité de la principale héroïne, cette Claire, qui ne veut rien répondre. Car son histoire, ou le peu qu’on en connaît, ne vaut que par ce qui reste dans l’ombre et les fables naïves dont l’imagination locale a voulu combler les silences du récit.

Il ne se trompait pas. Des bruits assez contradictoires avaient circulé sur Claire. Au début, chacun les avait accommodés à sa façon, et puis on s’en désintéressa : Claire ayant, par son mutisme, su désarmer les plus obstinés.

— Une nuit, il y a douze ans de cela, résuma Le Noan, une nuit qu’elle traversait la lande de Keranchas, située en bordure des eaux, Claire Calgrac’h avait aperçu deux hommes qui, à son approche, s’étaient mis à ramper sur le sol. Elle rentra en hâte dans la maison isolée qu’elle habitait seule et s’arma d’une fourche. La jeune fille pensait avoir affaire à des pêcheurs de l’Aber-Ildut qui venaient voler des moutons. Elle résolut de les épier, prête à intervenir.