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des troupes coloniales à Ouessant, jusqu’à la fin de la période critique.

Les étrangers eurent vite fait d’installer leur campement. Les uns allumaient des feux, d’autres couraient aux provisions chez l’habitant, parce qu’il n’y avait alors, sauf le bureau de tabac et deux merceries, pas de boutiques dans l’île. Les soldats offraient de l’argent en échange des vivres, mais on refusait de l’accepter.

Il y en avait de tous les pays et qui parlaient des langues inconnues des îles. Il y en avait des blonds, des roux et des bruns qui sentaient l’ail et l’huile rance ; et d’autres qui montraient une poitrine blanche comme de la porcelaine, quand ils faisaient leur toilette matinale, en plein air, sous les yeux des îliennes étonnées. Il y en avait d’autres, enfin, dont les mains étaient douces comme des mains de prêtres et qui portaient des rayons d’or sur les manches. Aucun ne savait entendre le parler de l’archipel. Mais ils étaient tous polis et souvent, faisaient des signes aux filles qui se laissaient embrasser, amusées par tant de hardiesse. Quelques-unes, la nuit venue, permirent à ces hommes de les suivre dans les champs et sur les grèves.