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Ce qui surajoutait à la mélancolie de cette campagne, c’était sa nudité. Pas un arbre, sauf quelques buissons chétifs, poussés dans quelques creux de terrain. À travers la lande, des petits moutons erraient par centaines. On les entendait bêler aigrement, de fort loin, dans la chanson maussade du vent pluvieux. Quand on s’approchait, toute la bande affolée prenait la course.

Herment voulut connaître le secret de cette solitude car il savait l’île assez peuplée. On lui dit que les travaux des champs étant finis, les femmes restaient dans leurs maisons à tricoter. Quant aux hommes, dédaigneux de la culture, ils étaient tous « sur la navigation », au commerce ou dans la flotte. Les seuls pêcheurs de l’île étaient des retraités ou quelques coloniaux mariés dans le pays et qui tendaient des lignes, dans les trous poissonneux du bord, la cigarette au coin des lèvres, en rentiers.

Avec la nuit — c’était le dernier quartier de lune — les sorties devenaient périlleuses. Il fallait se perdre dans un dédale de sentiers, au risque de rouler sur la grève ou au fond de quelque carrière. Les deux phares éclairaient seuls, médiocrement.