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l’insaveur de ce baiser. Elle ne disait rien sur le moment. Et, enfin, se sentant « volée », elle entrait en colère :

— Vous embrassez comme un ploug !

Ainsi, elle avait profité des raffinements de la civilisation. Les îliens ne savaient pas embrasser. Des étrangers voluptueux avaient introduit cet art. Elle discernait la qualité d’un baiser mais elle n’avait pas le génie de le provoquer. Il fallait qu’il vienne de lui-même. Et toute sa séduction était uniquement dans son corps sculptural et sain et dans la jeunesse inapprêtée de son esprit.

« Vous embrassez comme un ploug ! »

C’était risible et c’était délicieux, cette indignation. Et, assez curieusement, pourquoi donc, à cet instant précis où il se rappelait ce mot, pourquoi donc revinrent aussi à sa mémoire ces paroles de la douce Jeanne, leur amie, auxquelles il n’avait pas attaché d’importance, d’abord, car elle vivait, cette Jeanne, dans une région d’idéal éthéré : « — Vous avez Juliana, elle vous aime — soyez sûr qu’elle ne demanderait qu’à vous aimer encore davantage. »

Il méditait ces choses en se rendant au Naoulou, à travers l’adorable paysage de Porz Gwen, un vallon en miniature, avec des horizons