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peu découvert les cadavres. Des têtes, des poings, des pieds apparaissaient, noirs.

Elle approcha. Car elle eut en cet instant le pressentiment qu’elle s’éveillait d’un long cauchemar ou qu’elle était folle, mais qu’ils n’étaient point morts. Et, dans cette enquête passionnée, elle vit que les petites mains d’Yannic et d’Yves, qui gisaient côte à côte, semblaient bouger... des gestes spontanés, limités aux doigts qui grattaient le sable, doucement, comme pour s’en débarrasser dans les mouvements inconscients du sommeil. Et puis l’immobilité les reprenait.

Soudain, un bras de Jean-Marie se replia.

Les yeux démesurément ouverts, elle avança encore, en rampant, elle avança vers Kergrésan, qui, maintenant, retenait toute son attention : le tronc de son mari, à demi enterré, s’était courbé, le ventre en avant, tendu comme un arc. Ses épaules touchaient toujours la terre, ainsi qu’elle l’avait placé, mais de légers soubresauts l’agitaient ; son nez pointu sortait du sable. Elle voulut crier, la frayeur étrangla sa voix : le cadavre, d’un mouvement brusque, venait de se retourner et s’était placé sur le côté.