Page:Savard - Principes de la musique et méthode de transposition, 4e édition.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



NOTE F. — Mesure vraie des demi-tons.


Le demi-ton diatonique (comme ut ré ) était désigné autrefois par le nom de demi-ton majeur, et le demi-ton chromatique (comme ut ut ) était appelé demi-ton mineur : expressions qui impliquent un sens contradictoire à la théorie admise aujourd’hui par les musiciens sur la grandeur relative de ces demi-tons.

Cette contradiction a pour cause l’opposition qui existe entre le résultat fourni aux mathématiciens par l’évaluation numérique des intervalles, laquelle fait le demi-ton diatonique plus grand que le demi-ton chromatique ; et les proportions inverses que le sentiment des musiciens attribue à ces mêmes intervalles.

Les physiciens pensent que leur opinion, appuyée sur des calculs positifs, est inattaquable ; de leur côté, les musiciens, guidés par leur instinct, soutiennent l’opinion contraire, qu’ils expliquent par la tendance résolutive des notes qui composent ces demi-tons : en effet, les notes bémolisées ont une tendance à descendre, et les notes diésées une tendance à monter, sorte d’attraction, d’affinité qui prouverait la plus grande proximité des sons entre lesquels elle s’exerce.

Par exemple ré  serait plus près d’ut naturel, vers lequel il tend à descendre, que de naturel ; et ut , plus rapproché de naturel, vers lequel il tend à monter, que d’ut naturel.

« Quelques théoriciens, dit M. Fétis, considérant l’affinité dont il vient d’être parlé comme un fait résultant de l’organisation des musiciens, ont dit que ce fait ne détruit pas la théorie, qui ne saurait être fausse ; d’autres ont affirmé que les musiciens font réellement ré  en croyant ut , et vice versâ, ce qui, si cela était vrai, détruirait toute l’économie de la tonalité. Hâtons-nous de dire, continue M. Fétis, que d’Alembert, le physicien Charles, MM. de Prony, Savart et quelques autres savants, frappés de la solidité de l’objection, ont avoué qu’il est possible que des faits inconnus jusqu’ici renversent l’édifice des calculs qu’on a crus exacts, et que la théorie des véritables rapports des intervalles musicaux est peut-être encore à faire[1]. »

La vérité est que la mesure des demi-tons, comme de tous les autres intervalles, varie selon le mode de génération auquel on attribue leur formation. Prenons, par exemple, le demi-ton diatonique mi fa, renversement de la septième fa mi ; cette septième peut être considérée comme produite par la succession des notes fa, la, ut, mi fournies par l’enchaînement des cordes génératrices de la gamme et de leurs harmoniques (page 99) :


Et alors le demi-ton diatonique mi fa qui en résulte, aura une valeur de 1 demi-ton et 12 centièmes de demi-ton moyen[2] ; d’un autre côté, en faisant naître le

  1. La musique mise à la portée de tout le monde, 3e édition, p. 130 et 131.
  2. Les physiciens établissent ordinairement les rapports des sons par des proportions énonçant la longueur des cordes vibrantes et les vitesses de vibrations. Mais ces proportions ne fournissent pas la représentation intuitive des intervalles musicaux, au point de vue de l’art. Frappé de cette considération, un savant mathématicien, de Prony, a établi des calculs au moyen desquels il est facile à chacun d’opérer la transformation de ces rapports en un mode de mesurage conforme aux habitudes des musiciens, c’est-à-dire, s’appliquant directement aux distances qui séparent les sons. De Prony substitue donc à des rapports de nombres de vibrations des mesures effectives d’intervalles. Le demi-ton pris par lui pour l’unité de mesure est le demi-ton moyen, celui fourni par le tempérament égal, c’est-à-dire la douzième partie de l’octave. (Voyez l’ouvrage de de Prony intitulé Instruction élémentaire sur les moyens de calculer les intervalles musicaux. Paris, 1832.)
    xxOn entend par tempérament égal, un système d’accord qui, divisant l’octave en douze parties parfaitement égales, détruit ainsi la différence existant entre les demi-tons, et les réduit à une mesure uniforme. Un demi-ton tempéré ou moyen est donc la douzième partie de l’octave. C’est ce qui a lieu sur le piano (voy. p. 73).