Page:Sauvage - Tandis que la terre tourne, 1910.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
l’arc-én-ciel

Et dans le frais miroir j’ai cru voir ton image.
Je t’apporte un glaïeul couché sur des roseaux.
Comme un cabri de lait je suis alerte et gaie ;
Mes sonores sabots de hêtre sont ailés
Et mon visage a la rondeur pourpre des baies
Que donne l’aubépin quand les mois sont voilés.

Lorsque je m’en revins, dans les ombres pressées
Le soc bleu du croissant ouvrait un sillon d’or ;
Les étoiles dansaient cornues et lactées,
Des flûtes de bergers essayaient un accord.
Je t’offre la fraîcheur dont ma bouche était pleine,
Le duvet mauve encor suspendu dans les cieux,
L’émoi qui fit monter ma gorge sous la laine
Et la douceur lunaire empreinte dans mes yeux.