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tandis que la terre tourne

Qui grelotte et paraît réunir dans sa veine
Tout ce qui vit encor du faîte et de la plaine.
Il serait gai de voir le songe puéril
Du troupeau prendre forme et dérouler son fil ;
De voir l’âme du chien et celle de l’agnelle
Aligner sur le sol leur rêve d’écuelle,
De prés luisants, de menthe et de parfums musqués
Ou de ruisseaux qu’on va franchir les reins arqués.
Ces rêves innocents et ceux de tous les êtres,
Ceux des lièvres, des taons, des figuiers ou des hêtres,
Avec ceux des humains, vers la lune d’argent
Montent, ascension du désir indigent
Auquel rien ne répond de l’espace économe
Sauf l’illusion d’or qui déverse son baume ;
Car les dieux savent bien les bonheurs qu’il nous faut
Et que le fruit qu’on touche en est déjà moins beau.
Or le pâtre par devers soi retient ces choses
Et balance l’apport des chardons et des roses.
Il sait qu’il faut peiner sans haine et sans regrets
Pour s’en aller un jour pourrir sous les cyprès
Comme une pomme flasque aux vergers de novembre.
Mais il aura chéri pourtant les sources d’ambre,