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pleine lune ou croissant

Tout dort, l’arbre, le chien, la houlette, le mont,
Et tout rêve, la lune aussi bien que l’ânon.
Seul veille, enveloppé de bure puritaine,
Comme un petit neveu de Jean de La Fontaine,
Le pâtre enluminé devant le fou qui luit
Pour éloigner le loup et réchauffer la nuit.
Et l’homme songe : un mois qu’il est sur la montagne,
Loin de son toit de brique et loin de sa compagne
Qui garde un fils enfant que l’on verra berger.
Les bêtes dès juin n’ont plus de quoi manger
Dans la plaine et voilà ce qui fait qu’on transhume…
Ce soir, l’ombre est glacée et l’herbe humide fume
Autour du feu qui danse et dont le rythme a pris
La phalène éblouie et la chauve-souris.
Nulle vitre ne brille à la ferme isolée
Qui fournit le pain bis et la viande salée.
En bas, la ville est morte. Une pomme de pin
Tombe sur la rocaille et vibrante se plaint.
On voit sur le sentier qui surplombe l’abîme
Quatre chênes bronzés s’épouser de la cime.
Un corps long et pelu se glisse en un terrier
Et le calme retombe. À peine un vieux noyer