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pleine lune ou croissant

Et mener le convoi des heures taciturnes,
Céleste nénuphar ouvert aux eaux d’en haut,
Belle dont chaque pas sème des pierreries,
La mer comme un sanglot du monde va vers toi,
Les brumes des soupirs sont par toi recueillies,
Les lèvres de l’amour s’entr’ouvrent sous ton poids.
Ah ! comme une toiture en paille, les chouettes
Qui s’appellent le soir dans les arbres fleuris,
Les crapauds des fossés, les grillons, les rainettes,
Les clapotis muets de la chauve-souris,
Les troupeaux reposant dans leurs tièdes nuitées,
Le lac dont le miroir offre un calme niveau,
Un murmure d’oiseaux au secret des futaies,
Une chute de feuille, un glougloutement d’eau,
Une haleine de rose assoupie à sa branche
Ont avec ta rondeur d’intimes parentés !
Comme le paysage épouse ta chair blanche,
Ta molle quiétude aux contours veloutés ;
Les lignes des lointains répondent à tes pauses,
La campagne se fond sous ton revêtement ;
Ainsi le peuplier prend lorsque tu t’y poses
Plus d’élégance sobre et de fusèlement.