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l’âme en bourgeon


Elle est morte. Le jour ne se souvient pas d’elle ;
D’autres s’éjouiront du miel qu’elle a pillé ;
La rose qui la tint sur sa jeune mamelle
Offre aux frelons goulus son corset déplié.

De tout son beau désir qui lui faisait une âme
Elle est dépossédée et paraît maintenant
Comme le ver luisant qui n’aurait plus sa flamme :
La nuit s’est faite en elle et rôde sur son flanc.

Elle est comme les gens qu’on cache dans des caisses
Et qui semblent n’avoir rien aimé ni rien su.
Parce qu’elle n’a plus d’essor ni d’allégresse
La campagne l’ignore et nous marchons dessus.

Elle-même sans voix s’abandonne au silence,
Il faut courber le front quand les temps sont venus.
Regarde, l’aiguillon dans sa molle indécence
Est pareil à l’instinct qui ne résiste plus.