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l’âme en bourgeon


Ah ! si la nuit venait, comme nous aurions peur ;
La nuit fait les gros yeux avec la lune ronde
Et tous les astres blonds qui pressent leur lueur
Sur le front noir de l’ombre où l’angoisse est profonde.

Vite ! bois cette tasse avant que soit le soir ;
Le moineau de la cage aime l’eau que je verse,
La fleur du pot d’argile accueille l’arrosoir,
Comme les champs nouveaux se plaisent à l’averse.

Et surtout ne va pas avec tes doigts fripons
Déranger le niveau de la crème dormante ;
On apporte la lampe et son nimbe au plafond
Bouge comme au matin une source mouvante.

Dieu ! c’est l’ombre déjà ! Déjà le ver luisant
Répand sa goutte d’or sur la verdure moite…
Vite ! l’étoile fait les cornes en passant
Et la lune a caché le soleil dans sa boîte.