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l’âme en bourgeon

La lune au soir ainsi qu’une servante honnête
Nous dira : Couchez-vous, c’est l’heure, il faut dormir,—
Mais parfois comme une grandʼmère rondelette
Elle se laissera dans un rire attendrir.
Nous la verrons rôder autour de la fenêtre
Agitant le hochet de l’astre au feu changeant
Et peut-être qu’alors le brouillard viendra mettre
Un bonnet vaporeux sur ses cheveux d’argent.
Ton âme sera si candide que mon âme
Près d’elle redeviendra blanche et quand nos fronts
Se toucheront sur l’herbe où la chaleur se pâme,
Je croirai que nous devenons deux liserons
Fleur contre fleur mêlant leurs bouches de rosée.
Car nous serons très près de la terre. Le jour
Indulgent de nous voir plus jeunes que la haie
D’aubépine dira : — qu’ils aient beaucoup d’amour,
Que la simplicité rustique les enchante,
Qu’un lait coule pour eux de l’avoine et du foin
Et que tous mes rayons tiennent dans chaque plante
Pour que mon cœur trop grand ne semble pas si loin.—