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la mort en croupe

La terre me tendait dans ses doigts de feuillage
Un œuf où l’oiseau bleu duvetait son plumage ;
Le matin titubait de jeunesse à mes pieds
Tandis que le sifflet des merles écoliers
S’élevait, insolent, dans le secret des branches
Et que mon sein blotti sous les dentelles blanches
Était un pigeonneau palpitant dans son nid
Qui va voler et tremble au bord de l’infini.

Ah ! mon cœur, souviens-toi des violettes pâles
Donnant au foin nouveau leur douceur de languir ;
L’herbe pleurait encor ses larmes matinales
Et les criquets heureux commençaient à bondir.
Assise à l’ombre grêle et mauve du genièvre
J’attendais que l’Amour vînt me baiser le cou ;
Il arrivait subtil, musardeur, un peu mièvre…
Et l’argent du ruisseau chantait sur les cailloux.
Ô matins revêtus de moiteurs printanières.
L’arbre ne paraît plus d’aussi verte couleur
Qu’au temps où nous marchions entre les taupinières
Dans un trèfle berçant ses pelotons de fleurs.